L'hôpital, encore, et toujours ces sales souvenirs. Les rêves deviennent morbides, entre seringues jonchant le sol et cheveux tombant par poignées. Il peut perdre la mobilité de deux de ses doigts, et comment le rassurer quand moi-même j'ai la trouille ? Le sang dans la perf', l'aider à se lever, l'aider à s'habiller, l'aider à attraper les choses, le voir pleurer de douleur et essuyer ses larmes d'une main aussi douce, calme et rassurante que possible. Je lui souriais tranquillement, et je faisais tout pour ne pas lui montrer que... ça faisait mal ? Quelque chose comme ça. Je crois d'ailleurs qu'il ne s'en est pas rendu compte, et tant mieux. Il m'a dit : "Je n'aime pas inspirer la pitié" et je lui ai dit en riant : "Je n'ai pas pitié de toi. Je t'aide, c'est tout."
J'y retourne cet après-midi et demain aussi. Il ne sortira sûrement que lundi... D'ici là, les couloirs blancs et froids, et les patients qui se traînent dedans, et les visiteurs blêmes aux lèvres serrées et aux yeux hagards. Comme celui-ci : "Excusez-moi mademoiselle vous n'auriez pas une cigarette ? Normalement je ne fume pas mais là c'est un cas de force majeure..."
Samedi 31 mai 2008 à 12:12
Vendredi 30 mai 2008 à 10:39
Soirée arrosée, je n'osais même plus aller au bar recommander un verre parce que "non mais je vais passer pour une alcooliiiiiiique". Mojito, Mojito, Mojito, Mojito. Il fallait bien boire à sa santé, et puis, c'était la faute de Charles. Désormais, quoiqu'il arrive, c'est toujours la faute de Charles. Faites ça par solidarité féminine, ou, étant un mec, par solidarité pour les nanas contre les conards : dès qu'il arrive une merde, dites que c'est sa faute.
Sur ces mots inutiles qui sentent la gueule de bois, je vais prendre une douche fraîche et partir... travailler.
Jeudi 29 mai 2008 à 10:36
Mercredi 28 mai 2008 à 19:05
De tentatives en tentatives, le coeur pendant au bout d'un fil. Un battement régulier comme le tic-tac d'une vielle pendule dans un appartement qui sent la poussière et le soleil, et les marches à dégringoler et la lumière qui dégoulinait dessus. Le toit du garage, où il ne fallait pas aller, mais il suffisait d'enjamber un grillage. Nos épées étaient en bambou, notre bâteau était un bassin en pierres. Dans la cave, les jouets et les marionettes en papier-mâché, tout cela, Aimé les fabriquait. Aimé et ses rides, et il fallait parler fort, il n'entendait plus bien, Aimé et son bon accent du Sud qui faisait résonner le "c" à la fin du mot "tabac", et qui découpait les jeux des différences dans le journal pour mon frère et moi, mais on en avait vite marre, il y avait plein de méchants dehors à assassiner pour enfin nous enfuir et vivre une vie libre parce que nous étions deux orphelins, et il était tout pour moi et j'étais tout pour lui, au point que même lorsque maman appelait pour savoir si nos vacances se passaient bien je refusais de lui parler, parce qu'un jeu, ça ne s'interrompt pas.
L'hôpital et son odeur de maladie, son odeur de gens qui souffrent dignement, il paraît. Mais je refusais d'entrer dans la chambre et la tête dans les mains, les ongles dans les joues, les talons pressés des infirmières sonnaient devant moi et je ne relevais pas les yeux. J'attendais, je la sentais derrière ce mur, et ce n'était plus un jeu, il n'y aurait plus de jeux comme avant, et elle me savait là, aussi, probablement, elle me savait recroquevillée, froissée. Il paraît qu'elle avait des tuyaux partout et plus de cheveux. Mais moi, je ne voulais garder que ses yeux bleus et ses cheveux blonds pâlis par tout ce soleil, et j'avais envie qu'elle garde mon sourire qui me bride les yeux, et pas ce visage de papier-mâché, gris, triste et humide. C'était fini, il fallait couper les ponts, sinon nous ne nous serions plus reconnues. J'étais venue, elle le savait, cela suffisait. Et puis, je n'aime pas les au revoir morveux. Je savais qu'elle ne mettrait plus de mercurochrome sur mes genoux ébrêchés. Et que les vacances merveilleuses finissaient pour toujours.
Après il y a eu le reste, les meilleures amies, la première cigarette, et le paradis perdu. Le premier copain, pas sérieux, amourette de collège, premier bécot hésitant et un peu bavouillard, et puis après j'ai grandi, j'avais l'air plus vieille, les garçons sont devenus plus âgés, les baisers plus certains, et plus indifférents. Les garçons... Leurs regards fuyants, ou francs, leur pudeur, leur ego, leur tendresse aussi douce que surprenante, leur bêtise, leurs potes, leur machisme, leur protection, leurs bras confortables. La superficialité, les fausses amitiés, les trahisons, envers les autres, mais ça tous les enfants connaissent, mais envers soi-même, quelle découverte ! Attention, tout a un prix ; grave-le bien au fond de ta mémoire et toujours, toujours, demande-toi pourquoi car des justifications, souvent peu valables, et des motivations tordues, on en trouve partout, mais qui peut jeter la pierre ? Je suis restée fascinée bien longtemps par la déchéance, la décadence : jusqu'où suis-je capable d'aller ? Qui restera si je fais ça ? Tester ses limites et celle des autres. La nécessité de faire de l'écrèmage dans ses "amis". J'ai appris, comme tout le monde, le prix de la confiance, et que tout n'est pas dû. Personne n'est jamais acquis, on croit connaître les gens, et toujours ils nous échappent.
De fil en aiguille, il n'y a eu qu'une réponse : c'est qu'il n'y en a pas de valable, pour rien. Et finalement, ce n'est pas plus mal.
Mercredi 28 mai 2008 à 17:41
Je suis allée récupérer le reste de mes affaires. La joie et la bonne humeur n'étaient pas vraiment au programme. Puis je suis allée retrouver N', je suis même restée dormir là-bas, parce qu'il y avait de l'orage, que je ne voulais pas rentrer toute seule là-dessous, et que ses bras étaient accueillants. J'ai peu dormi, beaucoup parlé, je me suis chamaillée, j'ai rencontré des gens, je me la suis pété avec les Wayfarer, j'ai beaucoup marché, j'ai bossé (un peu).
Et ça continue. Jusqu'en septembre.
Que demander de mieux ?