Mercredi 14 mai 2008 à 17:39
Suzie se désespère, aussi. D'avoir le cœur si sec et le crâne si lucide, la confiance si peu facile. Suzie en est à ses débuts, et pourtant le monde semble si immobile, si immuable. L'âme d'une révolutionnaire bloquée dans une tête condamnée à la culpabilité, car quoiqu'il arrive, les raisons des autres seront indubitablement plus valables que les siennes, et peu importe, ça ne la touche pas, ça ne la touche plus franchement, bien qu'elle le sache. Elle pourrait vous sourire et vous lâcher simplement ce genre de phrase : "Heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient, et toi qui a eu le malheur de naître avec un cerveau en état de marche, je t'offre une corde en prime, fais-en bon usage, mon chou." Elle éclaterait de rire après, car Suzie, malgré tout, rit facilement, et alors ses yeux pétillent et des fossettes se creusent sur ses joues, puis elle rigole plus doucement en regardant son interlocuteur légèrement par en-dessous, goguenarde, taquine, malicieuse, ironique. Et qu'il ait partagé son rire ou non, cela ne la perturbe pas.
Mardi 13 mai 2008 à 9:42
L'insomnie a été longue et étouffante.
Lundi 12 mai 2008 à 13:36
La fatigue. Malgré les dix heures de sommeil rien n'y faisait elle se sentait exténuée, et les jours se ressemblaient, on les aurait cru photocopiés. La frustration et la colère rôdaient, sans raison aucune. Le ciel était si bleu et tout semblait si parfait, si parfaitement immuable. Un bonheur calme et tranquille, au rabais, conquis sans éclat, sans mérite, sans obstacle. La facilité, détestable, conçue pour les faibles, alors qu'elle se voulait, qu'elle se pensait d'une autre trempe. Voulant faire quelque chose, n'arrivant pas à savoir quoi, impossible de se concentrer tant elle sent les picotements qui fourmillent sous sa peau, au bout de ses doigts, incontrôlables, elle a tant payé, pendant si longtemps, et puis quoi, seulement pour ça, alors que... alors que quoi ? Suzie perd le fil.
Le manque de culture. Quelle est la justification ? La facilité pour les faibles. La vanité, l'orgueil, les péchés capitaux. Une carte bleue, même pas une Visa. Pas même jolie, pas même originale. Peut-être vaguement remarquable. Le prix des cigarettes, trop cher. Le prix à payer pour tout. Les questions idiotes, la confiance aveugle, cœur d'artichaut, pas moyen de s'en défaire. Certains s'accommodent parfaitement de la perfection. Un quotidien immuable fait peur. Les miettes de la raison. Suzie. Le dédain et la misanthropie, incurables, rassurant. Ne jamais se brader, quoiqu'il arrive. Le vide, le manque, de tout, de soi. La futilité et la superficialité. Dans la vie tout est une question de style. Couillonner les conards. Et les autres. Prendre soin de son visage et de ses cheveux. Sauver les apparences. Quand on ne peut plus, faire semblant que l'on peut encore. Et, moins extrême : Quand on ne peut pas, faire semblant que l'on peut quand même. Apprendre à simuler un rire sincère. Quelle est la justification ? La survie mentale.
La douleur d'une plume' sous l'effluve' des mémoires
La douleur que les mots des pots sur un parquet
Fatigué par les larmes' asséché par les cris
Acrylique dépôt délivré des entrailles
Traître âme assourdie sous l'âpre déchirure
*M!
Samedi 10 mai 2008 à 10:18
Pantalon blanc large et taille haute, avec un pli, soigneusement repassé, blouse à imprimés indigo avec une ceinture à nouer taille basse, faire bouffer légèrement au dessus, sandales plate-formes marrons, Wayfarer monture imitation écailles, cerclées de doré. Eventuellement ma veste en cuir marron courte et cintrée pour ce soir, mais, surtout, ne pas renoncer aux Wayfarer, tellement chouettes, retrouvées au hasard d'une conversation avec Der Vati.
Soirée ce soir, je ne sais pas trop avec qui. Going to drink some Zub'. Hier avec P., au P-E, Piña Colada, juste comme il fallait, le lait de coco n'était pas trop épais. Ma vie est absolument fascinante. Don't fuck bling-bling. La superficialité est de mise, sinon, je crois que je pèterai définitivement un câble. J'espère que personne ne réussit à prendre ce ramassis de conneries au sérieux. Je sais que si N. lisait ça il rirait et dirait "Alors toi, t'es vraiment toujours aussi jetée", et j'éclaterais d'un rire sincère en apparence, mais très très jaune dans le fond. C'est tout un art de travailler son rire pour qu'il paraisse naturel et vrai en toutes circonstances. Pas pour couillonner les autres, non, pour avoir la paix, une des grandes ambitions de ma vie. Dopebeats. Je me remets au sport, j'aimerais avoir un corps parfait, en tout cas des cuisses plus fines, cela irait mieux avec ma silhouette, d'où stepper, et j'enchaîne avec quelques abdominaux, comme ça, en leur disant "Ben alors les mecs, on fatigue ?"
Je traverse une crise de superficialité pour survivre et de misanthropie assumée.
"Tout d'abord assez content de moi, je me sens soudain secoué par une violente décharge de tristesse, d'accablement, en me rendant compte à quel point il est gratuit et affreusement douloureux de prendre la vie d'un enfant. Cette chose devant moi, cette petite chose qui se tortille et qui saigne, n'a pas de vraie histoire, pas de passé digne de ce nom, rien n'est vraiment gâché. Il est tellement pire (et plus satisfaisant) de prendre la vie d'un être qui a atteint ses belles années, qui est déjà riche des prémisses d'un destin, avec une épouse, un cerlce d'amis, une carrière, quelqu'un dont la mort affectera beaucoup plus de gens - dont la capacité de souffrance est infinie - que ne le fera la mort d'un enfant, ruinera peut-être beaucoup plus de vies que la mort dérisoire, minable, de ce petit garçon. Dans l'instant, je ressens le désir presque incontrôlable de poignarder également la mère, qui est en pleine crise d'hystérie, mais je ne peux rien faire, que la gifler violemment, en lui criant de se calmer. Mon geste n'occasionne aucun regard de désapprobation. J'ai vaguement conscience d'une lumière dans la pièce, d'une porte ouverte quelque part, de la présence des responsables du zoo, d'un agent de sécurité ; quelqu'un - un des touristes - prend une photo, le flash éclate, et les pingouins s'agitent comme des fous dans le bassin, derrière nous, se jetant contre la paroi de verre, pris de panique. Un flic m'écarte, bien que je lui aie dit que j'étais médecin. On traîne le petit garçon dehors, on l'allonge par terre, lui ôte sa chemise. Un dernier hoquet, et il meurt. On est obligé de retenir la mère.
Je me sens vidé, à côté de moi-même, et même l'arrivée de la police ne me décide pas à m'en aller. Je reste avec la foule, devant le bâtiment des pingouins, comme des dizaines de gens, me mêlant à eux, avant de m'écarter, lentement, de m'éloigner. Enfin je me retrouve sur le trottoir de la Cinquième Avenue, surpris de voir ma chemise si peu tachée de sang, et je fais halte dans une librairie, où j'achète un livre, puis à un distributeur au coin de la Cinquante-sixième Rue, où j'achète un Mars - à la noix de coco - , et j'imagine un trou, un trou qui va s'élargissant dans le soleil, et pour quelque mystérieuse raison, cela brise la tension que j'ai ressentie tout d'abord en voyant les yeux de la chouette blanche, et qui a réapparu après que le petit garçon eut été traîné hors de la maison des pingouins, tandis que je m'éloignais, les mains couvertes de sang, libre." American Psycho, Bret Easton Ellis
Samedi 10 mai 2008 à 9:42
Sensation
Par les soirs bleu d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l'amour infini me montera dans l'âme ;
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux - comme avec une femme.
A. Rimbaud