Mercredi 14 mai 2008 à 17:39

Et soudain, il n'y a plus rien. Plus rien à croire, et plus rien à dire. Toutes les phrases semblent superflues et incomplètes, personne n'en comprenant le sens. Ou l'importance. Il aurait fallu le dire, mais quel manque de décence, de pudeur... Suzie a cessé de se sentir avec les gens. Un regard trop critique, un temps de décalage, un détachement peut-être un peu trop flagrant. Suzie fixe les gens et ne leur sourit pas, elle les regarde tout simplement, comme elle regarderait n'importe quoi. Juste accrocher son regard quelque part, histoire de voir autre chose que ses coudes appuyés sur ses cuisses. Elle ne se trouble pas quand c'est elle que l'on fixe, ça lui est égal, et si elle parle peu, c'est qu'elle n'a pas grand chose à dire, se foutant de paraître dérangée ou inintéressante. Suzie se connaît, cela lui suffit, aucun besoin de l'approbation des autres.
Suzie se désespère, aussi. D'avoir le cœur si sec et le crâne si lucide, la confiance si peu facile. Suzie en est à ses débuts, et pourtant le monde semble si immobile, si immuable. L'âme d'une révolutionnaire bloquée dans une tête condamnée à la culpabilité, car quoiqu'il arrive, les raisons des autres seront indubitablement plus valables que les siennes, et peu importe, ça ne la touche pas, ça ne la touche plus franchement, bien qu'elle le sache. Elle pourrait vous sourire et vous lâcher simplement ce genre de phrase : "Heureux les simples d'esprit, le royaume des cieux leur appartient, et toi qui a eu le malheur de naître avec un cerveau en état de marche, je t'offre une corde en prime, fais-en bon usage, mon chou." Elle éclaterait de rire après, car Suzie, malgré tout, rit facilement, et alors ses yeux pétillent et des fossettes se creusent sur ses joues, puis elle rigole plus doucement en regardant son interlocuteur légèrement par en-dessous, goguenarde, taquine, malicieuse, ironique. Et qu'il ait partagé son rire ou non, cela ne la perturbe pas.

Mardi 13 mai 2008 à 9:42

Je suis presque heureuse. Enfin, si le bonheur ce n'est pas tout à fait ça, alors dites-moi ce que c'est. Trop de choses sont vaines. Ou fausses. Je me demande à qui je suis réellement attachée. Bientôt la fin du monde, je crois. Cette nuit écrasée par la chaleur bien que j'étais nue, chose qui ne m'arrive jamais. Mal aux pieds. Demain ne sera pas un autre jour mais la prolongation de celui-ci qui n'est que la prolongation du précédent. Chercher une issue. Un peu de chaleur. Eternelle insatisfaite. Une question de caractère, de personnalité ? Deux choses qui n'existent pas. Toujours, jamais, autant de fictions. Demain. Aujourd'hui. Quand ? Je ne sais plus. Continuer à me remettre au sport. Me lever et marcher. Le vent sur ma peau. Les yeux de N.. La bouche de N.. La voix de N.. L'odeur de N.. Pas accroc pour un sou, non, mon crâne est vide, mon corps prend bravement le relais. Ne pas aller chercher plus loin, de toute façon je ne voulais rien d'autre, rien d'autre que la liberté de mon crâne, loin de tout ce qu'il y a eu avant et dont je n'ai plus vraiment envie de parler.
L'insomnie a été longue et étouffante.

Lundi 12 mai 2008 à 13:36

"    Un CD de Richard Marx dans la chaîne hi-fi, un sac de chez Zabar rempli de petits pains à l'oignon et d'épices posé sur la table de la cuisine, je broie les os, le gras et la chair, faisant de petits pâtés et, bien que, de temps à autre, me frappe l'idée que je suis en train de faire, en partie, quelque chose d'inadmissible, il me suffit de me rappeler que cette chose, cette fille, cette viande, n'est rien, rien que de la merde et, avec l'aide d'un Xanax (un chaque demi-heure, à présent), cette idée suffit à me calmer momentanément, et je chantonne, fredonnant le générique d'un feuilleton que je regardais souvent quand j'étais enfant - The Jetsons ? The Banana Splits ? Scooby Doo ? Sigmund and the Sea Monsters ? Je me souviens de la chanson, de la mélodie, et même du ton dans lequel elle était chantée, mais pas du feuilleton. Etait-ce Lidsville ? Etait-ce H.R Pufnstuf ? D'autres questions ponctuent ces questions, aussi variées que : "Ferai-je un jour de la taule ?" et "Cette fille avait-elle un cœur fidèle ?" L'odeur de la viande et du sang envahit l'appartement, à tel point que je ne la remarque plus. Plus tard. Mon allégresse macabre a fait place à l'amertume, et je pleure sur moi-même, sans parvenir à trouver la moindre consolation dans tout cela, je pleure, je sanglote "Je veux juste être aimé", maudissant la terre et tout ce qu'on m'a enseigné : les principes, les différences, les choix, la morale, le compromis, le savoir, l'unité, la prière - tout cela était erroné, tout cela était vain. Tout cela se résumait à : adapte-toi, ou crève. J'imagine mon visage sans expression, la voix désincarnée qui sort de ma bouche : Ces temps sont effrayants. Déjà, les asticots se tortillent sur la saucisse humaine, et la bave qui s'écoule de ma bouche goutte sur eux ; je ne sais pas si je prépare cela correctement, parce que je pleure trop fort, et que je n'ai jamais vraiment fait la cuisine auparavant." American Psycho, Bret Easton Ellis

    La fatigue. Malgré les dix heures de sommeil rien n'y faisait elle se sentait exténuée, et les jours se ressemblaient, on les aurait cru photocopiés. La frustration et la colère rôdaient, sans raison aucune. Le ciel était si bleu et tout semblait si parfait, si parfaitement immuable. Un bonheur calme et tranquille, au rabais, conquis sans éclat, sans mérite, sans obstacle. La facilité, détestable, conçue pour les faibles, alors qu'elle se voulait, qu'elle se pensait d'une autre trempe. Voulant faire quelque chose, n'arrivant pas à savoir quoi, impossible de se concentrer tant elle sent les picotements qui fourmillent sous sa peau, au bout de ses doigts, incontrôlables, elle a tant payé, pendant si longtemps, et puis quoi, seulement pour ça, alors que... alors que quoi ? Suzie perd le fil.

    Le manque de culture. Quelle est la justification ? La facilité pour les faibles. La vanité, l'orgueil, les péchés capitaux. Une carte bleue, même pas une Visa. Pas même jolie, pas même originale. Peut-être vaguement remarquable. Le prix des cigarettes, trop cher. Le prix à payer pour tout. Les questions idiotes, la confiance aveugle, cœur d'artichaut, pas moyen de s'en défaire. Certains s'accommodent parfaitement de la perfection. Un quotidien immuable fait peur. Les miettes de la raison. Suzie. Le dédain et la misanthropie, incurables, rassurant. Ne jamais se brader, quoiqu'il arrive. Le vide, le manque, de tout, de soi. La futilité et la superficialité. Dans la vie tout est une question de style. Couillonner les conards. Et les autres. Prendre soin de son visage et de ses cheveux. Sauver les apparences. Quand on ne peut plus, faire semblant que l'on peut encore. Et, moins extrême : Quand on ne peut pas, faire semblant que l'on peut quand même. Apprendre à simuler un rire sincère. Quelle est la justification ? La survie mentale.


La douleur d'une plume' sous l'effluve' des mémoires
La douleur que les mots des pots sur un parquet
Fatigué par les larmes' asséché par les cris
Acrylique dépôt délivré des entrailles
Traître âme assourdie sous l'âpre déchirure

*M!

Samedi 10 mai 2008 à 10:18

Pantalon blanc large et taille haute, avec un pli, soigneusement repassé, blouse à imprimés indigo avec une ceinture à nouer taille basse, faire bouffer légèrement au dessus, sandales plate-formes marrons, Wayfarer monture imitation écailles, cerclées de doré. Eventuellement ma veste en cuir marron courte et cintrée pour ce soir, mais, surtout, ne pas renoncer aux Wayfarer, tellement chouettes, retrouvées au hasard d'une conversation avec Der Vati.
Soirée ce soir, je ne sais pas trop avec qui. Going to drink some Zub'. Hier avec P., au P-E, Piña Colada, juste comme il fallait, le lait de coco n'était pas trop épais. Ma vie est absolument fascinante. Don't fuck bling-bling. La superficialité est de mise, sinon, je crois que je pèterai définitivement un câble. J'espère que personne ne réussit à prendre ce ramassis de conneries au sérieux. Je sais que si N. lisait ça il rirait et dirait "Alors toi, t'es vraiment toujours aussi jetée", et j'éclaterais d'un rire sincère en apparence, mais très très jaune dans le fond. C'est tout un art de travailler son rire pour qu'il paraisse naturel et vrai en toutes circonstances. Pas pour couillonner les autres, non, pour avoir la paix, une des grandes ambitions de ma vie. Dopebeats. Je me remets au sport, j'aimerais avoir un corps parfait, en tout cas des cuisses plus fines, cela irait mieux avec ma silhouette, d'où stepper, et j'enchaîne avec quelques abdominaux, comme ça, en leur disant "Ben alors les mecs, on fatigue ?"
Je traverse une crise de superficialité pour survivre et de misanthropie assumée.

"Tout d'abord assez content de moi, je me sens soudain secoué par une violente décharge de tristesse, d'accablement, en me rendant compte à quel point il est gratuit et affreusement douloureux de prendre la vie d'un enfant. Cette chose devant moi, cette petite chose qui se tortille et qui saigne, n'a pas de vraie histoire, pas de passé digne de ce nom, rien n'est vraiment gâché. Il est tellement pire (et plus satisfaisant) de prendre la vie d'un être qui a atteint ses belles années, qui est déjà riche des prémisses d'un destin, avec une épouse, un cerlce d'amis, une carrière, quelqu'un dont la mort affectera beaucoup plus de gens - dont la capacité de souffrance est infinie - que ne le fera la mort d'un enfant, ruinera peut-être beaucoup plus de vies que la mort dérisoire, minable, de ce petit garçon. Dans l'instant, je ressens le désir presque incontrôlable de poignarder également la mère, qui est en pleine crise d'hystérie, mais je ne peux rien faire, que la gifler violemment, en lui criant de se calmer. Mon geste n'occasionne aucun regard de désapprobation. J'ai vaguement conscience d'une lumière dans la pièce, d'une porte ouverte quelque part, de la présence des responsables du zoo, d'un agent de sécurité ; quelqu'un - un des touristes - prend une photo, le flash éclate, et les pingouins s'agitent comme des fous dans le bassin, derrière nous, se jetant contre la paroi de verre, pris de panique. Un flic m'écarte, bien que je lui aie dit que j'étais médecin. On traîne le petit garçon dehors, on l'allonge par terre, lui ôte sa chemise. Un dernier hoquet, et il meurt. On est obligé de retenir la mère.
Je me sens vidé, à côté de moi-même, et même l'arrivée de la police ne me décide pas à m'en aller. Je reste avec la foule, devant le bâtiment des pingouins, comme des dizaines de gens, me mêlant à eux, avant de m'écarter, lentement, de m'éloigner. Enfin je me retrouve sur le trottoir de la Cinquième Avenue, surpris de voir ma chemise si peu tachée de sang, et je fais halte dans une librairie, où j'achète un livre, puis à un distributeur au coin de la Cinquante-sixième Rue, où j'achète un Mars - à la noix de coco - , et j'imagine un trou, un trou qui va s'élargissant dans le soleil, et pour quelque mystérieuse raison, cela brise la tension que j'ai ressentie tout d'abord en voyant les yeux de la chouette blanche, et qui a réapparu après que le petit garçon eut été traîné hors de la maison des pingouins, tandis que je m'éloignais, les mains couvertes de sang, libre." American Psycho, Bret Easton Ellis

Samedi 10 mai 2008 à 9:42

Sensation

Par les soirs bleu d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l'amour infini me montera dans l'âme ;
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux - comme avec une femme.

A. Rimbaud

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