Puisque c'est pas possible de s'en sortir à deux avec un smic en payant le loyer, l'électricité, l'eau, le crédit auto, les couches de Fripouille, et tout le reste...
Puisque même aller chez le coiffeur est du domaine du fantasme, et qu'une sortie en amoureux n'est qu'un lointain souvenir...
Puisqu'en face de toi, quand tu cries, quand tu gueules que tu ne peux pas vivre comme ça, on te répond que personne ne peut rien pour toi...

Puisque tout ça, un continent en tête : l'Afrique.

On a essayé de vivre honnêtement. On a essayé de ne pas profiter du système. Mais jour après jour l'asphyxie te gagne, et en sortant d'un des bureaux d'une administration quelconque, j'ai dit en ravalant mes larmes : "Je comprends ces personnes qui s'immolent", et tu ne m'as pas contredite. Tu tenais ma main, si fort, si fort.

Mais au moins, nous, on a quelque chose que bien des gens n'ont pas. On s'aime.
Tous les trois.

Le vrai amour ce ne sont pas les fleurs, les restos et la poudre aux yeux. Ce n'est pas le palpitant qui s'emballe sans cesse, pour rien. Le vrai amour c'est un quotidien, c'est ses défauts et puis ceux de l'autre.
Ses yeux posés sur moi chaque jour.

On aimerait tant faire tellement de choses. Offrir une belle vie à notre Fripouille. 
Mais ici, c'est impossible. 
T'es plié, broyé, fliqué, traqué. Tu regardes le compte à découvert le 5 du mois, et tu serres les dents. Tu rigoles pour ne pas te plaindre. Notre bébé n'a jamais de vêtements neufs. Il n'a presque rien eu de neuf, d'ailleurs.
J'aurais tellement voulu pouvoir aller courir les boutiques et puis choisir sans trop réfléchir.

Mais 'faut pas pleurer. Il y a pire. Bien pire.

J'ai toujours été de celles qui se battent, et quand je regarde leurs yeux à tous les deux, je sais pour quoi je me bats.
Et je sais que je ferai n'importe quoi, tout serait justifié, tant que c'est pour eux.

Il faut réfléchir, encore, encore, tout mettre sur pied, tout mettre en place, et puis partir. Tous les trois, comme si on n'était qu'un parfois.