Je regardais par ta fenêtre, je voyais la morgue éclairée.
Je savais qu'il restait du café chaud à l'intérieur, je pensais à la chaleur du radiateur qui m'accueillerait quand j'aurais traversé le petit bout de cimetière, je savais aussi que tu y étais. Tu devais probablement être vautrée contre le dossier du fauteuil, tes pieds sur la table, en train de tirer sur ta roulée, le regard dans le vague.
J'ai su que ça ne durerait pas toujours, qu'un jour tu ne vivrais plus là, que la morgue ne serait plus un lieu de retrouvailles, que le cimetière ne serait plus le lieu de nos cache-cache.
J'ai enfilé mon manteau, mon écharpe, je suis sortie. Le ciel était vide.
Mes bottes crissaient sur le gravier, je marchais entre les tombes, je savais que tu m'entendais approcher. J'ai tourné la poignée, tu m'as jeté un coup d'oeil, tu as souri, et dit : "Un peu de café ?" Je me suis laissée tomber sur la chaise en face de toi.
Tu avais l'air fatiguée, ça m'a frappée à ce moment-là, tes cernes. Je sais que tu prends des somnifères, mais même ça, ça n'a pas l'air de beaucoup t'aider.
Nous parlions, et dans la conversation, tu as dit :
"Il est malsain... Il a un côté trop pur.
- T'arrêtes pas de dire que je suis trop pure. Ca veut dire que je suis malsaine aussi ?
- .... "
J'ai pris les verres, je suis partie faire la vaisselle dans le petit évier, et pendant que mes ongles parfaitement vernis trempaient dans la mousse et l'eau froide, j'ai eu soudain la conscience aigüe que ça ne durerait pas toujours, que tout a une fin.
Il faisait nuit depuis longtemps, il était bien plus de minuit.
J'ai tiré sur mon short pour cacher le haut de mes bas, j'ai remonté mes hautes chaussettes, tiré sur mon pull pour cacher mon tatouage, recentré le collier qui serre et rase mon cou. J'étais toute en noir, seule mon collier et mes ongles brillaient d'un rouge sombre.
Toi, je me souviens, tu portais une chemise à carreaux avec un pull noir sans manche, ton short en jean avec une ceinture à carreaux, une chaîne pendant sur le short, des leggings, des bottines à talons avec le revers à carreaux également. Tes longs cheveux détachés tombaient jusqu'à tes reins, tu avais maquillé tes yeux verts, et l'anneau à ta lèvre brillait dans la lumière du néon.
Je suis partie dans la nuit, mes cheveux étaient ondulés par je ne sais quel caprice, et masquaient à moitié mon visage. Je me suis dit qu'heureusement mon manteau était long, sinon on aurait vu le haut de mes bas.
Je marchais au milieu de la route, j'avais glissé du punk dans mes oreilles, je marchais dans la nuit si peu froide, les poings dans les poches.
Arrivée chez moi, j'ai continué une longue lettre qu'il ne lira jamais, et je me suis glissée sous les draps.
Moi aussi j'ai eu besoin de somnifères.
Vendredi 29 octobre 2010 à 16:37
Jeudi 28 octobre 2010 à 13:57
J'ai fait un rêve étrange.
J'étais dans une maison abandonnée, en ruines, la lumière entrait à flots à l'intérieur. J'étais avec un ancien ami à moi, on discutait. Je savais qu'il était en colère, mais il n'élevait pas la voix, il ne disait rien de particulier, il se contentait de me fixer de ses yeux bleus et glacés tout en bavardant.
Un homme entrait, il était très grand, bien plus que moi, habillé tout en noir. J'en avais été follement amoureuse, avant, et je l'avais quitté. Je ne voyais pas son visage mais je sais qu'il était extrêmement beau. Lorsque je le voyais, j'étais terrorisée, je me mettais en colère, lui demandant ce qu'il foutait là, lui disant que je ne voulais jamais plus le voir, que je pensais avoir été assez claire. Il me demandait d'une voix sourde comme un grondement ce que je foutais là, seule dans une maison avec un garçon qui n'était pas lui. Je disais que c'était un ami, mais que de toute façon ça ne le regardait pas, que je voulais qu'il disparaisse.
D'un geste brusque, il m'attrapait par le poignet. Je jetais un regard à mon ami, lui demandant de l'aide sans un mot. Il me fixait étrangement, souriait, s'en allait sans rien dire, sans se retourner, sans faire un geste. Je levais la tête vers l'homme, ses cheveux longs et bruns cachaient son visage. Il me renversait quelque chose dans le dos de sa main libre, quelque chose qu'il versait aussi sur ma main. Ça me brûlait, je sentais ma peau former des cloques, je savais que mon corps était marqué pour le reste de ma vie. L'homme dit simplement ces quelques mots : "De la soude."
Je me laissais glisser sur le sol, prostrée, vide. Après quelques instants, l'homme s'agenouillait, se penchait sur moi, me serrait dans ses bras, et me disait avec une douceur infinie : "Maintenant que je t'ai marquée, tu seras à moi à tout jamais, car seul moi sait quelles marques tu as et pourquoi tu les as. Il n'y a plus que moi qui peux t'aimer telle que tu es, tu es à moi." Alors je me laissais aller contre l'homme en pleurant, apaisée, soulagée que ma fierté ait été brisée, reconnaissante. Des chats noirs nous entouraient, passaient en nous frôlant et en ronronnant.
J'étais dans une maison abandonnée, en ruines, la lumière entrait à flots à l'intérieur. J'étais avec un ancien ami à moi, on discutait. Je savais qu'il était en colère, mais il n'élevait pas la voix, il ne disait rien de particulier, il se contentait de me fixer de ses yeux bleus et glacés tout en bavardant.
Un homme entrait, il était très grand, bien plus que moi, habillé tout en noir. J'en avais été follement amoureuse, avant, et je l'avais quitté. Je ne voyais pas son visage mais je sais qu'il était extrêmement beau. Lorsque je le voyais, j'étais terrorisée, je me mettais en colère, lui demandant ce qu'il foutait là, lui disant que je ne voulais jamais plus le voir, que je pensais avoir été assez claire. Il me demandait d'une voix sourde comme un grondement ce que je foutais là, seule dans une maison avec un garçon qui n'était pas lui. Je disais que c'était un ami, mais que de toute façon ça ne le regardait pas, que je voulais qu'il disparaisse.
D'un geste brusque, il m'attrapait par le poignet. Je jetais un regard à mon ami, lui demandant de l'aide sans un mot. Il me fixait étrangement, souriait, s'en allait sans rien dire, sans se retourner, sans faire un geste. Je levais la tête vers l'homme, ses cheveux longs et bruns cachaient son visage. Il me renversait quelque chose dans le dos de sa main libre, quelque chose qu'il versait aussi sur ma main. Ça me brûlait, je sentais ma peau former des cloques, je savais que mon corps était marqué pour le reste de ma vie. L'homme dit simplement ces quelques mots : "De la soude."
Je me laissais glisser sur le sol, prostrée, vide. Après quelques instants, l'homme s'agenouillait, se penchait sur moi, me serrait dans ses bras, et me disait avec une douceur infinie : "Maintenant que je t'ai marquée, tu seras à moi à tout jamais, car seul moi sait quelles marques tu as et pourquoi tu les as. Il n'y a plus que moi qui peux t'aimer telle que tu es, tu es à moi." Alors je me laissais aller contre l'homme en pleurant, apaisée, soulagée que ma fierté ait été brisée, reconnaissante. Des chats noirs nous entouraient, passaient en nous frôlant et en ronronnant.
Lundi 25 octobre 2010 à 13:47
Tu sais, Angie, dans le train pour aller le voir, samedi, j'ai relu les mots que tu m'avais donnés. Je venais de partir, pourtant.
J'étais triste comme les pierres, et trop fière pour le dire.
Je lisais tes mots, et j'ai su d'un seul coup que quoiqu'il arrive, tu ne m'oublieras jamais. J'ai su qu'on était pas seules, qu'on était ensemble, même si parfois je suis une sale égoïste.
Je me suis souvenue de tellement de choses qu'on a faites, toutes les deux. Il y a eu les paris aux conséquences stupides qui ont changé ma vie et marqué nos corps, c'est peut-être un peu malsain, d'ailleurs, de porter la même chose au même endroit, je n'en sais rien.
Je me suis souvenue du bain de minuit en Vendée, de ton cul éclairé par la lune, de mon fou rire et de nos cris dans l'eau pas si froide.
Je me suis souvenue de la nuit dans la chambre d'hôtel, les roses fanées le matin, la mienne était décapitée, tu avais tout balancé par terre, la couverture, le téléphone, tes bijoux, tu avais perdu tes chaussures. Je me suis rappelée que dans la nuit, totalement raide, j'avais sangloté et que tu m'avais prise dans tes bras, que tu avais chanté jusqu'à ce que je m'endorme, et qu'entendre ta voix m'avait apaisée et redonné confiance.
Je me suis souvenue des fous rires chez moi, on avait tellement ri ce soir-là que j'ai cru qu'on allait en crever, on suffoquait, le ventre et les poumons douloureux, les larmes aux yeux, haletantes et ivres de joie.
Il y a aussi toutes ces fois où tu me protèges et où tu m'engueules, parfois un peu fatiguée de ma joyeuse inconscience et de ma capacité incroyable à toujours être amoureuse, et même si parfois tu es dure, je finis toujours par revoir ton sourire indulgent et moqueur, qui a l'air de dire : "Bah, c'est pas si grave, de toute façon, t'es ce que t'es !"
Et puis, à force de penser à tout ça, je suis arrivée là-bas, il faisait nuit. Je portais mon manteau d'officier, une tunique très courte en dessous, mes bottes, de grandes chaussettes noires, comme des bas. Mes paupières étaient fardées de bleu-noir, soulignées d'eye-liner, les yeux agrandis par le mascara et le crayon noir ; j'avais peint ma bouche de ce rouge à lèvre couleur de sang, et mes ongles si longs étaient laqués de bleu-noir. J'ai dégagé d'un geste mes cheveux de mon écharpe en sortant du métro, ils sont retombés sur mes épaules, pas réellement coiffés, la frange dans les yeux. Je me suis roulé une clope le tabac s'accrochait à mes mitaines, j'étais heureuse qu'il ne pleuve pas, je me suis avancée dans sa rue, mon sac en bandoulière battant contre la cuisse. Arrivée en bas de son immeuble, je me suis adossée à la porte et je ne l'ai pas appelé tout de suite, j'ai lentement fini de fumer ma cigarette, j'ai pris tout mon temps, et j'ai pensé à toi, je me suis dit : "Tu sais, même si je perds mon amour, je m'en fous, je t'ai toi."
J'ai fini par l'appeler, j'ai simplement lâché : "C'est moi."
Ce soir-là, je n'avais pas grand chose à lui dire, je veux dire, je ne trouvais presque rien à dire que ma fierté n'a pas censuré. Je ne sais plus ce qu'il sait, ou ce qu'il ne sait pas. Il m'a montré ses premières photos, les toutes premières, il m'expliquait, j'étais assise en tailleur sur le lit, en shorty et débardeur noirs, c'était le matin, mes cheveux étaient encore plus décoiffés que la veille, il était habillé parce qu'il était parti acheter des pains au chocolat et de la brioche.
Il a pris le métro avec moi jusqu'à Nation, je sais qu'il n'avait rien à y foutre. Il a pris mon visage dans ses mains avant de descendre, il a couvert ma joue de baisers tendres, il a passé sa main dans mes cheveux en s'éloignant, laissant glisser une mèche entre ses doigts. Il est descendu en faisant le geste de me flinguer, j'ai eu envie de le défier : "Vas-y, flingue-moi une bonne fois pour toutes, joli garçon, flingue-moi à m'en faire crier de joie." Mais je n'ai rien dit, j'ai eu ce demi-sourire ironique. Il s'était éloigné sur le quai, mais je l'ai vu me regarder m'en aller, et j'ai eu envie de crier, de me plaquer contre la vitre et de lui demander pourquoi, pourquoi il ne m'embrasse pas devant tout le monde, comme un baiser de cinéma, pourquoi je n'ai le droit aux baisers que dans son appart' quand personne ne nous voit, j'ai eu envie de hurler et de lui demander si il a honte de moi, et pourquoi parfois il me déteste si violemment que la colère est dans ses yeux.
Je suis retournée chez toi, je sentais la cigarette et son odeur, j'étais vide. Tu m'avais appelée la veille pour que je vienne te voir, j'avais accepté tout de suite, comme toujours. On ne reste jamais plus de trois jours sans se voir, toi et moi.
Je fumais une clope sur le quai, appuyée à un mur, les écouteurs dans les oreilles. Une femme s'est approchée, j'ai enlevé un de mes écouteurs, elle me demandait la confirmation de la destination du train. Je l'ai regardée, j'ai hoché la tête, sans un mot, sans un sourire, sans une expression, j'ai remis mon écouteur tout en regardant ailleurs. Je l'ai vaguement entendue bafouiller des excuses dont je me foutais.
Je suis arrivée chez toi, je me suis assise sur ce banc, à l'entrée du cimetière, là où l'on s'asseyait souvent quand on était plus jeunes. Je relisais ses messages, avec ce surnom dont il m'affuble : "Maïa". Tu es sortie, tu m'as souri, j'ai passé la main dans mes cheveux et j'ai ri, sans raison. Tu avais la clé de la morgue dans la main, nous sommes allées nous y installer, comme toujours, et avec toi j'étais bien.
Je suis rentrée tard dans la nuit, on avait regardé un truc triste toute la soirée, je me suis couchée son odeur encore sur ma peau, pelotonnée en boule sous ma couette.
Je me suis dit qu'en fait, pour lui, j'étais parfois un peu comme un jouet dont il a peur, j'ai pensé à toi et je me suis dit qu'au moins nous on est bien.
J'étais triste comme les pierres, et trop fière pour le dire.
Je lisais tes mots, et j'ai su d'un seul coup que quoiqu'il arrive, tu ne m'oublieras jamais. J'ai su qu'on était pas seules, qu'on était ensemble, même si parfois je suis une sale égoïste.
Je me suis souvenue de tellement de choses qu'on a faites, toutes les deux. Il y a eu les paris aux conséquences stupides qui ont changé ma vie et marqué nos corps, c'est peut-être un peu malsain, d'ailleurs, de porter la même chose au même endroit, je n'en sais rien.
Je me suis souvenue du bain de minuit en Vendée, de ton cul éclairé par la lune, de mon fou rire et de nos cris dans l'eau pas si froide.
Je me suis souvenue de la nuit dans la chambre d'hôtel, les roses fanées le matin, la mienne était décapitée, tu avais tout balancé par terre, la couverture, le téléphone, tes bijoux, tu avais perdu tes chaussures. Je me suis rappelée que dans la nuit, totalement raide, j'avais sangloté et que tu m'avais prise dans tes bras, que tu avais chanté jusqu'à ce que je m'endorme, et qu'entendre ta voix m'avait apaisée et redonné confiance.
Je me suis souvenue des fous rires chez moi, on avait tellement ri ce soir-là que j'ai cru qu'on allait en crever, on suffoquait, le ventre et les poumons douloureux, les larmes aux yeux, haletantes et ivres de joie.
Il y a aussi toutes ces fois où tu me protèges et où tu m'engueules, parfois un peu fatiguée de ma joyeuse inconscience et de ma capacité incroyable à toujours être amoureuse, et même si parfois tu es dure, je finis toujours par revoir ton sourire indulgent et moqueur, qui a l'air de dire : "Bah, c'est pas si grave, de toute façon, t'es ce que t'es !"
Et puis, à force de penser à tout ça, je suis arrivée là-bas, il faisait nuit. Je portais mon manteau d'officier, une tunique très courte en dessous, mes bottes, de grandes chaussettes noires, comme des bas. Mes paupières étaient fardées de bleu-noir, soulignées d'eye-liner, les yeux agrandis par le mascara et le crayon noir ; j'avais peint ma bouche de ce rouge à lèvre couleur de sang, et mes ongles si longs étaient laqués de bleu-noir. J'ai dégagé d'un geste mes cheveux de mon écharpe en sortant du métro, ils sont retombés sur mes épaules, pas réellement coiffés, la frange dans les yeux. Je me suis roulé une clope le tabac s'accrochait à mes mitaines, j'étais heureuse qu'il ne pleuve pas, je me suis avancée dans sa rue, mon sac en bandoulière battant contre la cuisse. Arrivée en bas de son immeuble, je me suis adossée à la porte et je ne l'ai pas appelé tout de suite, j'ai lentement fini de fumer ma cigarette, j'ai pris tout mon temps, et j'ai pensé à toi, je me suis dit : "Tu sais, même si je perds mon amour, je m'en fous, je t'ai toi."
J'ai fini par l'appeler, j'ai simplement lâché : "C'est moi."
Ce soir-là, je n'avais pas grand chose à lui dire, je veux dire, je ne trouvais presque rien à dire que ma fierté n'a pas censuré. Je ne sais plus ce qu'il sait, ou ce qu'il ne sait pas. Il m'a montré ses premières photos, les toutes premières, il m'expliquait, j'étais assise en tailleur sur le lit, en shorty et débardeur noirs, c'était le matin, mes cheveux étaient encore plus décoiffés que la veille, il était habillé parce qu'il était parti acheter des pains au chocolat et de la brioche.
Il a pris le métro avec moi jusqu'à Nation, je sais qu'il n'avait rien à y foutre. Il a pris mon visage dans ses mains avant de descendre, il a couvert ma joue de baisers tendres, il a passé sa main dans mes cheveux en s'éloignant, laissant glisser une mèche entre ses doigts. Il est descendu en faisant le geste de me flinguer, j'ai eu envie de le défier : "Vas-y, flingue-moi une bonne fois pour toutes, joli garçon, flingue-moi à m'en faire crier de joie." Mais je n'ai rien dit, j'ai eu ce demi-sourire ironique. Il s'était éloigné sur le quai, mais je l'ai vu me regarder m'en aller, et j'ai eu envie de crier, de me plaquer contre la vitre et de lui demander pourquoi, pourquoi il ne m'embrasse pas devant tout le monde, comme un baiser de cinéma, pourquoi je n'ai le droit aux baisers que dans son appart' quand personne ne nous voit, j'ai eu envie de hurler et de lui demander si il a honte de moi, et pourquoi parfois il me déteste si violemment que la colère est dans ses yeux.
Je suis retournée chez toi, je sentais la cigarette et son odeur, j'étais vide. Tu m'avais appelée la veille pour que je vienne te voir, j'avais accepté tout de suite, comme toujours. On ne reste jamais plus de trois jours sans se voir, toi et moi.
Je fumais une clope sur le quai, appuyée à un mur, les écouteurs dans les oreilles. Une femme s'est approchée, j'ai enlevé un de mes écouteurs, elle me demandait la confirmation de la destination du train. Je l'ai regardée, j'ai hoché la tête, sans un mot, sans un sourire, sans une expression, j'ai remis mon écouteur tout en regardant ailleurs. Je l'ai vaguement entendue bafouiller des excuses dont je me foutais.
Je suis arrivée chez toi, je me suis assise sur ce banc, à l'entrée du cimetière, là où l'on s'asseyait souvent quand on était plus jeunes. Je relisais ses messages, avec ce surnom dont il m'affuble : "Maïa". Tu es sortie, tu m'as souri, j'ai passé la main dans mes cheveux et j'ai ri, sans raison. Tu avais la clé de la morgue dans la main, nous sommes allées nous y installer, comme toujours, et avec toi j'étais bien.
Je suis rentrée tard dans la nuit, on avait regardé un truc triste toute la soirée, je me suis couchée son odeur encore sur ma peau, pelotonnée en boule sous ma couette.
Je me suis dit qu'en fait, pour lui, j'étais parfois un peu comme un jouet dont il a peur, j'ai pensé à toi et je me suis dit qu'au moins nous on est bien.
Samedi 16 octobre 2010 à 22:35
J'ai toujours eu peur des gens.
Quand j'étais petite, je me cachais sous mon lit quand ils arrivaient, ou j'essayais de les changer en crapauds avec ma baguette de fée. Comme quoi ça ne date pas d'hier. Je fuis la foule et les liens sociaux.
Peu de gens m'intéressent.
Et je conçois tout à fait de ne pas être intéressante.
Je trouve la plupart des gens que je croise bruyants, suffisants.
J'aime bien être dans le métro avec mon manteau d'officier, ma casquette sur la tête, mes bottes noires, mes yeux fardés de noir et ma bouche peinte en rouge, j'aime leurs regards interrogateurs quand je roule mes cigarettes, invariablement en cônes, de mes mains cachées dans mes mitaines, mais j'aime encore plus les éclats de rire de mes amis ou le regard surpris du photographe lorsque, enlevant mon manteau, il découvre en dessous une petite jupe mignonne ou une grande chemise à carreaux qui me sert de robe. Le concept du look alternatif.
On juge trop sur les apparences.
Lorsque j'avais 18 ans, on m'en donnait 23, et maintenant que j'en ai 21 on m'en donne à peine 18.
Et la tête des gens lorsque les bouteilles dans mon sac s'entrechoquent.
D'un autre côté, cela signifie qu'ils s'intéressent tout de même à quelque chose. Quand le photographe me demande si j'ai entendu sa coloc' s'envoyer en l'air avec un de ses mecs, je le regarde, surprise. Je n'y avais même pas pensé, par même par naïveté, juste par profonde indifférence.
Ils disent souvent que je suis froide ou dure, et qu'on ne sait pas ce que je pense.
Très souvent, je pense à cette énigme des liens entre les gens. Je pense que ces liens sont des accidents.
Je regarde les autres, et j'aime me demander où ils vont, pourquoi, sont-ils heureux, amoureux, désespérés ou fous à lier ? Je regarde les couples et je me demande, est-ce qu'ils se trompent ? Pourquoi fuit-elle son regard quand il sourit, et pourquoi cette froideur dans ses gestes à lui ?
Parfois, tôt le matin, on voit les couples de la nuit qui se disent au revoir, rayonnants et un peu gênés, émus et pleins d'espoir face à cette aventure qui commence, et je me dis peut-être qu'ils se sont attendus des mois, voire des années.
Mais aussitôt les bassesses et les lâchetés me reviennent à l'esprit, alors je baisse à nouveau les yeux sur mon livre ou regarde les stations défiler derrière les vitres sales et rayées.
Quand j'étais petite, je me cachais sous mon lit quand ils arrivaient, ou j'essayais de les changer en crapauds avec ma baguette de fée. Comme quoi ça ne date pas d'hier. Je fuis la foule et les liens sociaux.
Peu de gens m'intéressent.
Et je conçois tout à fait de ne pas être intéressante.
Je trouve la plupart des gens que je croise bruyants, suffisants.
J'aime bien être dans le métro avec mon manteau d'officier, ma casquette sur la tête, mes bottes noires, mes yeux fardés de noir et ma bouche peinte en rouge, j'aime leurs regards interrogateurs quand je roule mes cigarettes, invariablement en cônes, de mes mains cachées dans mes mitaines, mais j'aime encore plus les éclats de rire de mes amis ou le regard surpris du photographe lorsque, enlevant mon manteau, il découvre en dessous une petite jupe mignonne ou une grande chemise à carreaux qui me sert de robe. Le concept du look alternatif.
On juge trop sur les apparences.
Lorsque j'avais 18 ans, on m'en donnait 23, et maintenant que j'en ai 21 on m'en donne à peine 18.
Et la tête des gens lorsque les bouteilles dans mon sac s'entrechoquent.
D'un autre côté, cela signifie qu'ils s'intéressent tout de même à quelque chose. Quand le photographe me demande si j'ai entendu sa coloc' s'envoyer en l'air avec un de ses mecs, je le regarde, surprise. Je n'y avais même pas pensé, par même par naïveté, juste par profonde indifférence.
Ils disent souvent que je suis froide ou dure, et qu'on ne sait pas ce que je pense.
Très souvent, je pense à cette énigme des liens entre les gens. Je pense que ces liens sont des accidents.
Je regarde les autres, et j'aime me demander où ils vont, pourquoi, sont-ils heureux, amoureux, désespérés ou fous à lier ? Je regarde les couples et je me demande, est-ce qu'ils se trompent ? Pourquoi fuit-elle son regard quand il sourit, et pourquoi cette froideur dans ses gestes à lui ?
Parfois, tôt le matin, on voit les couples de la nuit qui se disent au revoir, rayonnants et un peu gênés, émus et pleins d'espoir face à cette aventure qui commence, et je me dis peut-être qu'ils se sont attendus des mois, voire des années.
Mais aussitôt les bassesses et les lâchetés me reviennent à l'esprit, alors je baisse à nouveau les yeux sur mon livre ou regarde les stations défiler derrière les vitres sales et rayées.
Lundi 11 octobre 2010 à 15:18
"Ca te dit que j'aille chercher des croissants et des pains au chocolat pour le p'tit dèj' ?"
"Nan, ton corps est pas baisé, c'est pas possible, t'es trop jeune et trop jolie."
"J'aime mieux tes cheveux comme ça, pas coiffés, j'aime mieux quand ta frange part en cacahuète et que tes cheveux ondulent... T'as l'air plus sauvage, ça te va mieux.
- Ah bah ouais, t'as raison, j'suis une fille tellement sauvage..."
"Je sais, je t'ai fait l'amour avec rage... J'avais trop de colère."
"Je viendrai te voir chez toi, tu verras, je prendrai ma caisse et je viendrai te voir."
"Je trouve que les femmes sont belles quand elles sont énervées."
"Tu sais, moi je m'attends à rien, et même, j'ai tendance à me préparer au pire, comme ça je suis jamais déçue.
- T'as raison, Maïa.
- Non. J'ai pas raison, j'ai pas tort non plus. C'est juste comme ça que je fais les choses."
"J'aime bien les journées d'hiver quand elles sont très froides et que le ciel est bleu, bleu, bleu.
- Ce sera comme ça quand je serai au Canada..."
"Hé, ragazza, tire sur ta clope... Regarde-moi..."
Il appuie sur le déclencheur, regarde le résultat.
"J'aime beaucoup..."
On se disait au revoir, moi je fixais le sol, il m'a attrapée derrière la tête et m'a embrassée fort sur chaque joue tout en me caressant le bras, je me suis serrée contre lui, furtivement, même pas une seconde. Quand je me suis éloignée, sa main a glissé le long de mon épaule jusqu'à mon poignet et nous nous sommes regardés dans les yeux.
Après deux-trois banalités, j'ai descendu les escaliers du métro, et la sensation de ses mains sur ma peau, non plus dans l'abri de son appartement, mais dans la rue, au vu et au su de tout le monde, nous qui ne nous touchons jamais quand nous sommes dehors.
"Nan, ton corps est pas baisé, c'est pas possible, t'es trop jeune et trop jolie."
"J'aime mieux tes cheveux comme ça, pas coiffés, j'aime mieux quand ta frange part en cacahuète et que tes cheveux ondulent... T'as l'air plus sauvage, ça te va mieux.
- Ah bah ouais, t'as raison, j'suis une fille tellement sauvage..."
"Je sais, je t'ai fait l'amour avec rage... J'avais trop de colère."
"Je viendrai te voir chez toi, tu verras, je prendrai ma caisse et je viendrai te voir."
"Je trouve que les femmes sont belles quand elles sont énervées."
"Tu sais, moi je m'attends à rien, et même, j'ai tendance à me préparer au pire, comme ça je suis jamais déçue.
- T'as raison, Maïa.
- Non. J'ai pas raison, j'ai pas tort non plus. C'est juste comme ça que je fais les choses."
"J'aime bien les journées d'hiver quand elles sont très froides et que le ciel est bleu, bleu, bleu.
- Ce sera comme ça quand je serai au Canada..."
"Hé, ragazza, tire sur ta clope... Regarde-moi..."
Il appuie sur le déclencheur, regarde le résultat.
"J'aime beaucoup..."
On se disait au revoir, moi je fixais le sol, il m'a attrapée derrière la tête et m'a embrassée fort sur chaque joue tout en me caressant le bras, je me suis serrée contre lui, furtivement, même pas une seconde. Quand je me suis éloignée, sa main a glissé le long de mon épaule jusqu'à mon poignet et nous nous sommes regardés dans les yeux.
Après deux-trois banalités, j'ai descendu les escaliers du métro, et la sensation de ses mains sur ma peau, non plus dans l'abri de son appartement, mais dans la rue, au vu et au su de tout le monde, nous qui ne nous touchons jamais quand nous sommes dehors.