Lundi 31 octobre 2011 à 17:24

 Cet automne qui se déguise en été qui s'éternise. Une bouteille posée à l'envers et puis un fatras de fringues, abandonnées sur le sol.  Les jours s'égrènent, lentement.
Ce matin sur la terrasse, la tasse au creux des mains, je repensais à ce que le photographe m'a dit hier. Des choses comme : "Je suis pressé de te revoir." et je me dis que c'est son tour de ne pas avoir le droit, mais je reste stoïque, j'accuse le coup.
Je me fais muette.
Pourtant je pourrais parler de la vigne incendiée par le soleil, le soir, cette impression d'être dans un univers d'or et de cuivre, je pourrais parler de la petite fille née cette semaine, si frêle, ou de la tombe de ce jeune homme que je n'ai pas connu et sur laquelle je n'ai su que redresser un pot de roses renversé par le vent, discrètement.
Pourtant.
Ici ou ailleurs, qu'importe. Ce sont les mots que je prononçais hier soir, sous la couette. Donne-moi envie d'être quelque part. Donne-moi des raisons. Je sais bien que je suis pas une nana aux photos super stylées, qui connaît le cinéma sur le bout des doigts, je suis pas née avec une cuillère en argent dans la bouche, et je suis pas la reine des soirées parisiennes, certes. Mais alors. Moi je te parlerai de la banlieue et de Paris plus passionnément, je te ferai écouter du punk, je te raconterai les nuits glauques et les belles aussi, même si je ne t'inventerai pas des mots insensés que tu comprendras, quoique j'ai même inventé un mot pour toi, un mot comme une espèce rare, je te dirai les soirées du cimetière et les reflets de l'aube sur les tombes gelées, peut-être même qu'un jour tu pourras lire des lignes de ma main, tu vois, il peut y en avoir, des moments. 

Et puis cet été qui n'en finit pas de mourir... 

En janvier le photographe est de retour. Un an, finalement. 

Samedi 1er octobre 2011 à 18:04

Je me vernis les ongles tout en agitant mes nouvelles et éphémères bouclettes de temps à autre. Je suis à Paris, bien au chaud dans la rôtissoire de la banlieue, et putain ce que ça me manquait.
Il y a un j'étais assise ici aussi, il y a un an tout était différent. ll y a un an c'était ma plus belle histoire, ma plus grande aventure. C'est marrant, cette nostalgie dénuée de regrets. Le soleil brille si fort, mes pieds crient des heures de balade et de shopping, et puis ces boucles autour de mon visage, ces boucles que j'adore. J'ai envoyé un message lui disant : "Si tu me voyais là maintenant, tu retomberais amoureux de moi immédiatement !", des mots un peu prétentieux un peu cons, mais parfois ça ne fait pas de mal.
Janis Joplin sème des notes que j'attrape au vol, cette douceur de la solitude parfois. Dans plus ou moins une heure, il sera là. J'espère que mes bouclettes ne seront pas trop défaites, que j'aurais la patience d'attendre que mon vernis sèche.
Le photographe reste fidèle à lui-même, ambigu et fuyant, et je souris avec tendresse face à mon écran. Il dit qu'il y a des choses que je n'ai pas le droit de lui écrire, je dis que pourtant si. J'ai tous les droits lorsque j'écris. Je lui ai envoyé :

"On ne fait pas un voyage. Le voyage nous fait et nous défait, il nous invente."(David Le Breton)

Et puis il a encore parlé de mon parfum dans Montréal, il a même parlé d'une fille qu'il a croisé et qui me ressemblait tellement qu'il a failli nous confondre, mais c'est toujours grâce à cette odeur de rose et de cigarette qu'il a su que ce n'était pas moi. Moi je ne lui écris pas que ce parfum je ne le porte plus depuis qu'il n'est plus là, parce qu'il l'aimait tellement que je ne peux pas le porter sans lui, comme un contrat.
Même si j'ai tous les droits, je ne lui écris pas tout ça.

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