Vendredi 27 août 2010 à 9:03

Le photographe : "Ah t'es instable, tu ressasses le passé. D'toute façon, j'm'en fous, j'ai plein de plans cul."
"C'est dingue comme j'ai envie de te mettre une main au cul...
- Ah ah. Tu penses que j'serais choquée ?
- Ton haut est trop décolleté, j'vois ton sein...
- C'est pas comme si tu les avais jamais vus. Tu vois lequel ? Celui avec piercing ou sans piercing ?"

"Hé, photo-man... y'a des choses intéressantes à voir chez toi ? Lulu me demandait. Et au fait, t'es un sale pervers, quand même."

"J'pars ce week-end.
- Tu vas où ?
- St Quentin.
- Ah, tu sais que c'est la capitale des divorces ?
- J'vois que t'as toujours les mots pour redonner l'espoir aux gens.
- Et tu vas faire quoi là-bas ?
- J'retourne voir les bouseux consanguins, bien sûr !
- J'ai d'la famille dans le Nord...
- Ah, et ils sont consanguins ?"

Papa devient fou et voit des complots partout. Partout. Partout.

"Désolée, Mademoiselle... Après avoir longuement hésité et en avoir longuement parlé entre nous, nous considérons que vous avez trop de capacités et que vous êtes trop intelligente pour ce poste... Nous vous souhaitons de trouver un emploi à votre hauteur."

Maman : "Ton frère a vu un môme de 17 ans tomber à travers une verrière à une soirée. Il est mort dans ses bras."

Là, mon frère est enfermé à clé dans sa chambre.
En espérant qu'il ne se pendra pas.

"La mort baptise aussi"
"Après ça, on ne sera plus jamais les mêmes."
"T'aurais vu ça... j'lui faisais un massage cardiaque, j'étais à genoux dans le sang et les bouts d'os et de cervelle, il était encore chaud..."

Et il n'y a rien à dire. Rien rien rien rien.
Aucun mot ne saurait dire.

Il reste la conscience aigüe de savoir que tous ceux qui ont été touchés de près ou de loin n'auront plus la même insouciance. Les soirées les beuveries, tout ça. Il y aura toujours cette peur au fond du ventre. Et certainement moins de beuveries.
Un poids terrible dans son regard.
J'ai eu l'impression qu'il était devenu très vieux, soudain. Très fatigué, et très très malheureux.

Et moi je me demande, le môme, pendant toute sa chute, à quoi a-t-il songé ? Quelle horreur, quelle surprise, quels regrets ? En a-t-il seulement eu le temps ?
C'est dingue, j'imagine sa terreur et sa révolte.

On est tellement rien.

La meilleure chose que nous pouvons faire, c'est vivre. Vivre sans perdre de temps. Vivre pour tous ceux qui n'ont pas cette chance.

Lundi 23 août 2010 à 15:12

Allez...c'est reparti!

Allô Paris il est si tard
Les doigts collés au combiné
Je relance encore avec l'espoir
De te parler
J'ai beau savoir que ça me fout le cafard
Je peux pas m'empêcher
M'empêcher d'y croire
La nuit sonne ses derniers coups
J'irai jusqu'au bout

J'aurais voulu
Quelque chose de bien
J'aurais voulu
Que tu me dises viens
J'aurais voulu...

Et là debout sur le trottoir
Comme chaque soir
Je te raconte l'histoire
Des larmes de rue dans les bars qui puent
Les regards moisis
Et les corps meurtris
Allô Paris tout est fini
Et putain Je suis fatigué

J'aurais voulu
Quelque chose de bien
J'aurais voulu
Que tu me dises viens
J'aurais voulu...

Allô Paris tout est fini
Tu m'as tout pris même l'envie
Tu ne te souviens plus de rien
Tu oublies un peu plus chaque matin
Et ta mémoire coule le long des trottoirs
En noyant mon désir dérisoire

J'aurais voulu
Quelque chose de bien
J'aurais voulu
Que tu me dises viens
J'aurais voulu...

Allô Paris
Tout est fini
tout est foutu

J'aurais voulu
Quelque chose de bien
J'aurais voulu
Que tu me dises viens
J'aurais voulu
Quelque chose de bien
J'aurais voulu
Que tu me dises viens
J'aurais voulu
Mano Solo

Lundi 23 août 2010 à 14:48

On se noie dans les mots bateaux, les sentiments au rabais, les crises sanglotantes, les fausses révoltes et les rires hystériques.
Chercher la beauté et la pureté du monde au fond des gens, voilà peut-être ce qui devrait nous intéresser.
Ces choses que je trouve dans le sourire lumineux d'Angie, dans le regard perdu du photographe, dans la voix douce de Blondinet. Toute cette simplicité, loin de la violence, loin des faux-semblants, quand en une fraction de seconde on a su voir le Vrai, à en avoir le souffle coupé.
Les gens bougent, s'excitent, font de grands gestes, et dans tout ce bruit et cette agitation je ne vois que des façades.
Il n'y a de compliqué que les choses que nous compliquons, voilà ce que j'ai dit au photographe. Je lui ai dit d'arrêter de se faire passer pour un autre parce que ça ne marchait pas avec moi, que je savais qu'il mentait dans sa violence.
Angie et moi nous faisons des dîners aux chandelles arrosés de vin rouge, nous nous laissons aller contre le dossier de nos chaises, sourions, satisfaites de la douceur du temps et de la simplicité des choses.
Vendredi je vais aller à la gare par laquelle je suis passée presque tous les jours durant son absence, mais je me dirigerai à nouveau du côté des grandes lignes. J'attendrai, la boule au ventre, que la voie soit affichée, je composterai mon billet, je m'installerai dans un wagon, près de la fenêtre, en espérant que ce soit des trains à compartiments, j'adore les compartiments, j'en choisis toujours un avec des gens qui lisent, j'aime bien, j'aime choisir à l'instinct, surtout en fonction de la concentration des gens. 1h20 plus tard, je descendrai sur le quai, le sourire aux lèvres, pressée de le retrouver, mais comme toujours je marcherai lentement, exultant intérieurement, un léger sourire aux lèvres, profitant de ce temps au bord du temps pour laisser toute mon âme remonter sur mon visage, prendre pleinement conscience de ma joie et lui offrir mon plus beau sourire, et le plus passionné de mes baisers.
Et enfin la vérité éclaboussera le monde.

Vendredi 20 août 2010 à 11:00

Je ne l'attendais pas. Je ne voulais pas croire qu'il viendrait, jusqu'au moment où il a toqué à ma porte.
Je m'étais quand même préparée avec soin, au cas où d'un seul coup il serait là pour de vrai.
Et j'ai entendu deux coups sur ma porte.
J'ai pris mon temps pour descendre, je respirais lentement. J'avais peur d'être déçue.
J'ai ouvert la porte. L'éclat d'un regard bleu, un sourire aux canines de vampire, des fossettes. Un moment de silence et un éclat de rire.
Il était beau, j'aimais sa façon d'être habillé, son jean troué, son t-shirt noir et sa veste par-dessus. Il avait maigri, un peu trop.
En 6 mois, nous ne nous sommes vus qu'une seule fois, deux heures. Deux heures comme une plaie dans nos mémoires.
Alors quand il a débarqué, on avait un peu l'air d'animaux farouches et méfiants. On s'épiait un peu. On redoutait l'engueulade et les reproches, ou l'ironie ou encore le mépris et la froideur.
Mais on riait tous les deux.
On est montés se poser dans la chambre verte pour discuter. Il m'a dit : "Je veux te faire écouter une de mes compos. Bouge pas." Je lui ai demandé le nom de la compo. Il a lâché un nom comme on avoue un crime : "Marie."
Je me suis allongée sur le lit et j'ai glissé la musique dans mes oreilles. Il avait fermé les yeux. Et dans cette musique, il y avait toute notre histoire, il y avait lui en entier, et moi en entier. Il avait rouvert les yeux et me regardait. Il a avancé la main et essuyé mes larmes, doucement. J'ai caressé sa joue, sa barbe de quelques jours, j'avais les doigts qui en tremblaient, tant de mois à penser à lui, à le rêver, à l'imaginer, à être jalouse, tant de mois à me taire et à le laisser libre, à l'écouter, à le consoler, j'avais peur qu'il s'en aille, qu'il disparaisse. Au lieu de ça, il m'a embrassée et m'a serrée fort contre lui.
Plus tard, je lui ai demandé ce qu'il pensait de tout ça. Il a dit "C'est génial !" Je lui ai demandé ce qui était génial. Il m'a juste dit : "Nous. Que ce soit encore mieux qu'avant. Qu'on se soit pardonnés."
Il m'a dit : "Tu m'as manqué... Je me sens revivre."

Blondinet.

Vendredi 13 août 2010 à 15:08

C'est dingue.
Ils refont surface, profèrent leurs excuses : "J'ai été con, je t'ai mal traitée, je n'aurais pas du t'insulter, je n'aurais pas du jeter tes affaires par la fenêtre, je n'aurais pas du te tromper, j'aurais du t'aider, je n'aurais pas du t'en coller une, je n'aurais pas du te cramer le bras, je n'aurais pas du ne pas t'écouter quand tu disais "non", je ne suis qu'un conard, pardonne-moi."
C'est fou comme ils peuvent effrayer, tu es là, ton bol de café à la main, tu te connectes et ça te tombe dessus comme ça, tu ne comprends pas, tu ne comprends rien, ou alors tu buvais une bière tranquillement entre amis et un message te tire en arrière, tu blêmis, instinctivement tu baisses la tête les yeux tu te rappelles l'humiliation.
Tu te demandes ce qu'ils te veulent, après tous ces jours, toutes ces semaines, tous ces mois, toutes ces années. Tu croyais avoir fui, avoir réussi, tu croyais à la liberté enfin. Tu croyais que personne ne te rattraperait mais au fond de ton crâne les sales images réapparaissent. Et tu pries pour ne pas les croiser, tu te sens à nouveau bête et faible, comme un animal qui tremble dans un coin.
Et il y a les autres, le collègue qui pourrait presque être ton père et qui écrit son numéro de téléphone sur ton paquet de cigarettes, que tu jettes bien évidemment une fois vide, et lorsque tu le revois tu entends : "T'es une méchante fille, tu ne m'as pas rappelée... pourtant j'espérais un tête à tête au restaurant, je suis un homme gentil, je pourrais te frapper, mais je ne donne que de l'amour, moi." Il y a le photographe qui te gueule que c'est de ta faute si les hommes sont ainsi avec toi, et oui c'est ta faute c'est ta très grande faute d'être née fille, et pas trop moche, c'est ta très grande faute de te foutre d'être une fille. Il y a le photographe qui pète un câble d'entendre tous ces mariniers en raconter des salées sur toi, et ta voix qui ne sort pas de ta bouche car à quoi bon parler, pourquoi expliquer que la meilleure défense c'est encore le mépris et le silence ? Puisque tu n'es qu'une fille et que ta voix ne sera pas entendue. On te regardera au mieux avec indulgence, au pire avec exaspération et tu entendras : "Non, mais tu ne sais pas, tu n'es qu'une jeunette."
Les hommes se plaignent d'être trahis par les femmes, humiliés et cocus, les hommes se plaignent de tout ça. Bien sûr c'est injustifiable, bien sûr c'est moche, bien sûr c'est dégueulasse.
Mais toi qui es un homme, dis. On t'a déjà lancé des meubles au visage, brûlé avec une cigarette, envoyé valsé dans le mur, humilié comme un animal ?
Tu n'es qu'une fille.
Et le pire est de savoir que tu es bien lotie, puisque tu as la chance d'être née dans un pays "civilisé".


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