Jeudi 30 décembre 2010 à 17:37

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Quelque part, dans une immense pièce ronde où trône un lit à baldaquin, dort une toute petite fille. Chaque matin, elle s'éveille avec le soleil et joue jusqu'au soir.
Elle n'a jamais connu que cette pièce pleine de courants d'air aux murs et au sol de pierre, aux fenêtres dépourvues de rideaux et de carreaux. Elle a toujours connu les mêmes jouets sur le même sol, semblant toujours neufs, à l'exception d'une peluche : un vieil hippopotame rapiécé. Elle ignore qui a bien pu le réparer, elle n'a jamais vu personne.
Elle ne peut subir ni la maladie, ni le froid, ni la faim, ni la soif, ni la nuit.
Il lui suffit pour vivre de cueillir du bout des lèvres, chaque matin, une goutte de rosée reposant sur une feuille de l'arbre voisin.
Et chaque soir, elle s'écroule en même temps que le soleil.
De l'extérieur monte des voix et des rires, et lorsqu'elle se perche sur l'appui de la fenêtre, elle voit parfois des enfants courir, rire, pleurer. Derrière la grande porte de fer qui clôt la chambre, elle entend souvent des bruits de pas, des chuchotements.
Elle se souvient, lorsqu'elle était encore plus petite, elle plaquait son oreille contre le métal. Puis elle se mettait à taper de toutes ses forces contre la porte, mais les pas s'éloignaient précipitamment.

Cela fait longtemps qu'elle est ici désormais.
Elle s'est vue changer dans le miroir de sa chambre. Désormais, les cent robes de son armoire sont trop courtes, même celles qui autrefois étaient bien trop longues, et les trous forment une dentelle asymétrique sur les tissus pâles, laissant apercevoir sa peau. Ses longs cheveux bruns traînent sur le sol si elle ne les enroule pas comme une écharpe à son cou.
Les jouets sont toujours neufs, mais plus personne ne répare son hippopotame.
Cela fait plusieurs jours que les voix derrière la porte se sont tues.

La tête de la peluche penche, le tissu crisse et se déchire, la tête tombe au sol, et une clé de fer s'en échappe.
La fille ouvre la porte. Il y a un long couloir sombre, et au bout, une autre porte de fer.
Elle a peur, mais ses petits pieds l'entraîne le long du couloir, face à la porte. Elle met la petite clé de fer dans la grande porte et la tourne. La porte s'ouvre et la fille entre.
Mais à cause du vent qui souffle partout, la porte claque derrière elle. Il n'y a pas de serrure de côté.

La petite fille regarde autour d'elle.
Elle se trouve dans une grande pièce ronde, aux fenêtres sans rideaux ni carreaux, aux murs de pierres et au sol jonché de jouets neufs. Une armoire ouverte dévoile cent robes.
Elle ne connaît ni la maladie, ni le froid, ni la faim, ni la soif, ni la nuit. Sur un siège de paille à côté de l'armoire est assis un hippopotame rapiécé, identique au précédent, à la suture près.
A la gauche de l'armoire trône un immense lit à baldaquin, ou un jeune homme est endormi, serrant un vieux crayon dans son poing. De l'autre côté du lit, une armoire identique montre cent costumes de garçon.
Elle grimpe sur le lit et s'agenouille, se penchant sur le jeune homme. Ses cheveux sont d'un blond presque blanc, de même pour ses cils. Sa peau est pâle, presque transparente. Elle perçoit même sur les paupières closes le fin réseau des veines.

Mais le soir vient et la fille tombe. Le garçon se lève.
Il regarde la créature à ses côtés. Ses longs cheveux lui font une couverture, ses cils sont très noirs, sa peau est mate. Elle serre un hippopotame rapiécé contre sa poitrine, sa robe est en haillons.
Il comprend qu'elle s'éveillera quand il s'écroulera.
Mais il sait que parfois, quand le soleil se lève, il ne tombe pas.
Le garçon ne connaît ni la maladie, ni le froid, ni la faim, ni la soif, mais il connaît le jour.
Il n'a même pas besoin d'une goutte de rosée pour vivre. Simplement, toutes les 30 nuits, il s'endort pour une semaine. Cela lui suffit.

Mais, si lui peut rester éveillé parfois le jour, il sait qu'elle ne peut pas rester éveillée dans le noir.
Alors il lui dessine la Lune, et l'obscurité. Il lui dessine les chauve-souris et les étoiles, la lueur des bougies dans le noir, les reflets argentés du lac que l'on aperçoit depuis la fenêtre à l'est. Il dessine toute la nuit, jusqu'à entendre un froissement de draps. Il croise son regard, elle a les yeux très noirs. Il s'écroule sur la table, endormi.

Elle croise son regard, il a les yeux très gris. Puis il s'écroule sur la table.
La petite fille s'approche, et ramasse les liasses de feuilles éparpillées dans la pièce, représentant des couleurs étranges et des créatures inconnues. Elle passe des heures et des heures à contempler la nuit, à rêver de cette nuit qu'elle ne verra jamais, tant et si bien qu'elle en oublie de boire la goutte de rosée.

Lorsque le garçon s'éveille, à la nuit tombée, la fille très brune n'est plus là.
C'est une fille rousse qui dort à ses côtés, serrant un lapin usé contre elle.
Il se lève, et va dessiner.

Toutes celles qu'il a vues serraient une vieille peluche contre leur poitrine, et leurs cheveux couvraient leur corps.
Il dessine et se sent triste.
Pourtant, il fait de son mieux pour restituer la nuit, mais invariablement, lorsqu'il s'éveille, la petite fille est différente. Alors il dessine encore et encore, jusqu'à ce que ses dessins soient assez beaux pour qu'une d'entre elle reste jusqu'au jour où il pourra être éveillé en même temps qu'elle.


C'est simplement l'histoire que je me suis racontée cette nuit avant de dormir.
 (pour savoir d'où vient la photo on va )
 

Mardi 28 décembre 2010 à 21:57

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A la fin de la semaine, j'aurai plus fréquenté les salles d'attente de cabinets médicaux en 15 jours qu'en deux ans.
Je pique du nez sur des chaises en plastique, sous la lueur des néons. Un bébé pleure, cris étouffés derrière une porte. Bilan sanguin, 8 tubes de sang en moins.
"Mais pourquoi faites-vous toutes ces analyses, mademoiselle ?
- J'suis fatiguée."
Je regarde les petits tubes se remplir, un par un, remplacés d'un geste sec et précis par une main indifférente et habile. Mon sang couleur rubis, sombre. Je fixe l'aiguille dans mon bras, vaguement intéressée. J'ai cette pensée étrange : "Je veux boire ce sang, après tout c'est le mien, il est joli." J'ai toujours aimé le goût du sang : depuis que je suis môme, je me mords l'intérieur des joues jusqu'à saigner, et  je lèche la blessure longtemps.
" Ca va ? Vous êtes blanche.
- Oui, oui, ça va."
Elle m'évalue du regard, hausse les épaules, tourne les talons, et mes petits tubes qui font gling-gling au rythme de ses pas, de ses pieds serrés dans des collants flétris. Je plie mon bras deux, trois fois, gênée par le coton. Je me rhabille, salue la secrétaire qui est jeune, gentille et jolie. Je croise mon reflet dans la porte vitrée : je ne suis pas blanche, mais cadavérique, j'ai de grands cernes noirs sous les yeux, l'air sombre, fermé.

Le résultat : une carence sévère en vitamine D.
Je retourne chez le toubib à la fin de la semaine, d'ici là je vais continuer à être crevée, irritable, et à avoir mal aux muscles et aux os. Je déteste les médecins, réellement, je déteste ça.

Encore 21 ans, et déjà comme une petite vieille.
Ca craint.

Jeudi 23 décembre 2010 à 1:06

Que les jours se ressemblent, comme le temps est lent.
Le bitume était mat sous la couche de neige fondante, et des flocons gouttaient de mes cheveux comme des larmes. Lorsque je me retournais, j'apercevais la ligne solitaire de mes pas qui luisait dans la lueur des lampadaires.
Le lac gelé, tout comme mon crâne.
Joyeuses fêtes, bonne année, bons mensonges, fausses résolutions, ineptes révolutions.
Je pense aux absents, à ceux qui m'ont laissée ou que j'ai laissé filer, aux mots que je n'ai pas su dire, à ceux que j'ai écrits, à ceux qui sont secrets, ceux que je tente de formuler du bout des doigts sur sa joue dans un geste bête et enfantin, innocent, et qui n'atteignent jamais leur but puisqu'au dernier moment je les détourne, transforme la caresse en jeu.
L'amant, le rêve, le double, le diable, le loup.
Que j'ai été bête de coller des possessifs à ces noms, comme si tu pouvais être à moi, quelle folie, tu es fait pour être libre, écouter du vieux blues et éclater de rire à l'autre bout du monde.

J'en pleure, joli loup.

Mardi 21 décembre 2010 à 12:37

Mon rêve : une immense chambre, un immense lit, une immense couette, plein d'oreillers et un silence infini. Que je puisse dormir, dormir, dormir, des jours et des jours, ne plus rien faire d'autre que dormir.

Je ne veux plus qu'on me parle de Noël, d'amour, de patience, d'agonie, d'amant, ni d'amis.

J'ai recommencé à me raconter des histoires qui font peur, comme quand j'étais enfant. Toute la journée j'invente des histoires de maladie de mort de tristesse de trahison de déception, de gens qui réagissent trop tard.
J'ai mangé tous les chocolats du calendrier. Je rêve de choses bizarres et au matin je crois qu'elles sont réelles, et je vérifie tout tout tout jusqu'à être certaine que ce n'était qu'un rêve. Et je suis déçue.

J'ai comme ce léger problème qui ressemble à vingt-cinq heures de sommeil en deux nuits.
Mais je reste blême voire cadavérique, avec de jolies valises sous les yeux.
C'est d'ailleurs bien simple, je ne peux pas rester éveillée plus de 9 heures. Je crois que mon cerveau fatigué tire sa révérence, mes nerfs me lâchent, à force de fonctionner sur la réserve arrive ce qui devait arriver.
Je me sens tellement endormie que j'ai même pris rendez-vous chez le médecin, alors que je déteste ça.
Je viens de me lever et je veux déjà retourner me coucher, fermer les yeux. Dormir.

Dimanche 19 décembre 2010 à 21:09

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Je suis écrasée de fatigue, écrasée, écrasée, écrasée.
Et on se fout sur la gueule, sans crier, on se fout juste sur la gueule, tranquillement et gentiment, on se fout sur la gueule tout le temps, ça fait si peur que ça de penser que ça pourrait être autrement, jeune homme ?
C'est dingue comme tu peux être un enfoiré, pourtant  t'es si gentil parfois, c'est ça que je disais ce matin devant mon café qui refroidissait, c'est ça que je disais sans te regarder, mais j'aurais du ajouter que parfois t'es plus glacial que la Sibérie, et bien plus givré aussi.
Tu reprends la route demain, et je te dis que j'enverrai des fleurs pour ton enterrement, je te dis calmement d'aller crever.
Qui est le plus connard de nous deux, à la longue ?
Quand j'aurai ton âge, parfois je me dis que je serai comme toi, paumée autant que t'es paumé, parce qu'à force de te perdre dans tout le monde tu ne sais plus qui tu es, et face à moi tu fuis.
Je suis rentrée avec seulement mes collants pour me tenir chaud, je glissais sur le verglas et m'enfonçais dans la neige jusqu'aux chevilles, j'avais froid et j'étais trempée, Angie dormait. Je me souviens quand le train est enfin parti, je l'ai maudit, car sans moyen de rentrer chez moi, j'aurais pu rester chez toi.
J'ai bien pensé à descendre de ce foutu train, à t'appeler, à mentir, et puis à revenir, peut-être même que tu aurais voulu que je fasse ça, mais avec cette fierté, moi je peux pas. Je mets le nez dans mon écharpe, je serre les lèvres, et j'espère n'importe quoi, n'importe quoi qui m'empêchera de partir.
Mais rien ne m'en empêche.
Et oui, comme tu dis, je resterai coincée dans ma banlieue pourrie, oui, je n'aurai pas d'horizons, oui je serai trop bizarre pour m'entourer, oui je serai trop gentille et je me ferai avoir, oui, t'as raison, mais je me fous que tu aies raison ou tort, je me fous de tes raisons.
Je me fous de ces sales paroles qui souillent ta bouche.
T'as beau dire, râler, tempêter, gémir, on se voit toujours. Et je sais que tu t'inquiètes.

"Ca va aller ?
- Oui, t'inquiètes.
- Reste dormir encore si tu veux.
- Non, parce que si je continue comme ça, je vais dormir toute la journée et toute la nuit chez toi et je partirai que demain et je veux pas.
- Va chez le médecin, t'as l'air crevée. C'est pas normal.
- T'en fais pas, j'ai dit.
- Ca me rend triste.
- Non, sois pas triste. T'es pas fait pour être triste, t'es fait pour rire et sourire toujours."

Et si tu savais comme tu m'énerves. Si tu savais.

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