Samedi 31 décembre 2011 à 14:20

 Fin d'année.
Mes cheveux, longs. Mon ventre, lourd. Mes seins, gros.
Ma vie ne m'appartient plus. De toute façon, ma vie je ne savais pas quoi en faire.
Les valises alors seront enfin défaites. L'orgueil, la violence, ravalés. Et puis des coups dans mon ventre, comme un tam-tam intérieur, la déformation de la peau qui se tend et se dégonfle au gré de mouvements parasites. Ces mouvements ne préviennent pas, réveillent au coeur de la nuit, et la respiration si calme des Yeux Bleus à mes côtés, calme et profonde.
J'ai ramené mon fer à lisser et mon pinceau à poudre, je farderai quand même mes yeux de noir et porterai quand même des sous-vêtements à rubans, tire sur la dentelle et le tissu coule à mes pieds. Simplement.
Mes seins ne tiennent plus dans les mains.

Les gâteaux que j'avais ramenés n'ont pas été mangés, tant pis. Je les regarde dans leur bocal et quelques miettes au fond, fatalement, pourquoi ça me rend si triste ?

J'ai jamais eu l'aplomb de m'auto-citer, de réellement gueuler, de vraiment menacer.
Simplement. Je me suis toujours cassée quand je le voulais, si je le voulais, et même si mon avenir se résumait à aller faire la radasse dans un quelconque bar à hôtesses, ça ne m'aurait pas rebutée, parce que la paix, ça se paye, et que je n'ai jamais été radine.
Mais là, ça va devenir infiniment plus compliqué.

Deux mille douze, rien que ça, vingt-trois ans d'existence, je suis née l'année de la chute du Mur de Berlin et de la Réunification, pourtant je ne me suis jamais sentie libérée ni unifiée, plutôt arrachée entre moi et moi.
Je rêvais d'aventures et puis de folie et puis de liberté.

Je voulais avoir 20 ans toute ma vie.

Mais je fais des listes de prénoms. Encore, me plier à une vie pour laquelle je ne me sentais pas prête, pas faite.
Bien sûr, j'aurais pu fuir. Mais là non.

Pourtant, lorsque les Yeux Bleus pose sa main sur mon ventre, ou blottit son visage au creux de ma peau le matin, je me sens légitime.
Au bon endroit, au bon moment.

Vendredi 16 décembre 2011 à 11:10

 Je n'aurais pas pu me douter qu'il y aurait l'hôpital et puis deux vies en danger. Deux parce que j'ai appris qu'il y en avait une autre qui se blottissait au creux de mon ventre depuis 6 mois. Ils disaient qu'il y avait de fortes chances que le petit être vienne au monde trop tôt, qu'il ne soit pas viable, et puis aussi que pour moi il y avait un risque important d'hémorragie. Moi je leur ai dit, mais si il vit je ne peux pas m'en occuper, c'est trop petit, c'est trop lourd, c'est trop de contraintes, je suis trop jeune, je savais pas, j'en veux pas, est-ce que je peux rester anonyme ? Vous comprenez, j'ai pas pris réellement de poids, j'ai pas vomi, j'ai pas eu d'envies brusques, mes seins n'ont pas gonflé et mon ventre est resté plat, mes règles ont toujours été anarchiques alors des saignements n'importe quand dans le mois c'était normal. Est-ce que j'ai le droit de ne pas m'en occuper ?
Les urgences je savais que c'était glauque, mais en obstétrique apparemment ils en voient aussi, des cas gratinés.
Mais le petit être s'est accroché très fort. Alors le lendemain, quand j'ai enfin eu moins mal et qu'enfin j'ai assez pleuré au creux de mon oreiller, avec ce ventre soudainement gonflé et ces coups à l'intérieur, j'ai du appeler le père, qui était à plus de 300 km, et j'ai calmé ma voix pour qu'elle ne tremble pas, je me suis dit, il faut que tu sois courageuse parce que personne ne peut l'être pour toi, et puis après tout, toi tu n'as plus le choix, il va bien falloir aller jusqu'au bout.
Alors je me suis entendu tout dire au téléphone, je me suis entendue prononcer ces mots : "Ne t'en fais pas, si tu ne viens pas, je comprendrai."
Mais il a dit qu'il arrivait.
Et il a dit que si moi je n'en voulais pas, lui il s'en occuperait.
Et moi j'ai dit, si toi tu veux alors moi aussi.

Maintenant c'est beaucoup d'organisation et de fatigue, et surtout, c'est un garçon chaque nuit avec moi qui n'est plus un garçon, mais un homme.

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