Dimanche 27 février 2011 à 23:14

La tâche claire de tes cheveux, l'odeur de ton parfum, ou le ton sarcastique de ta voix dans la pièce. Tu es là, jamais loin, un coup de coude, une vanne, ou simplement un hochement de tête, tu veilles.
Parfois, j'avoue me sentir diminuée, faible, je me demande si tu penses vraiment que je suis incapable de me défendre. En fait, je crois que tu préfères juste les dissuader à ma place, tu as l'air plus méchante que moi. Tu me laisses juste le soin d'enfoncer le clou lorsque l'on insiste trop.
Ca fait tellement d'années que l'on se connaît.
Et lorsque l'on te demande qui tu es par rapport à moi, tu réponds : "Son chien de garde."

Un jour, on sera vieilles, ridées, on aura ri aux larmes, et pleuré à en rire.
On se rendra visite, je te piquerai de la Ricoré, tu siroteras ton Nesquick, on s'échangera les potins du voisinage et on se plaindra de nos rhumatismes. On se montrera les photos de nos petits enfants, et on parlera du bon vieux temps, quand on semblait toujours courir vers autre chose, que nos cheveux se balançaient le long de nos dos et que nos jupes découvraient nos jambes. Ta voix sera cassée d'avoir tant chanté dans les soirées, dans la morgue, dans la rue, d'avoir chanté tout le temps.
Oui, tu as raison, un jour on se dira qu'on a connu la liberté.

Samedi 26 février 2011 à 22:19

Comme tous les samedis, je n'ai pas assez dormi et la gorge râpe. J'ai encore passé ma semaine à faire de longs rêves sans queue ni tête, même cette nuit, pourtant je me suis encore couchée lorsque le jour se levait, je crois qu'il n'y a rien à faire.
Cela fait longtemps que je n'ai pas pu parler réellement avec le photographe, mais je me demande si il faut vraiment en faire un drame, puisque je suis si fatiguée ces derniers temps et que je n'ai pas de raison de me couler. Hier soir j'ai passé ma soirée à parler à un informaticien très charmeur mais pas forcément charmant, et j'ai engueulé une espèce de montagne, je pense que ce type devait faire facilement 1m95, je me sentais petite à côté de lui, toujours est-il que je me suis plantée face à lui fermement campée sur mes bottines à talons et que j'ai planté mon regard dans le sien tout en mettant les points sur les i, je crois que ça lui a plu bien qu'il ait une nana.
Désolée je suis hors circuit, je ne joue plus.
Lorsque la soirée s'est essoufflée et que les bouteilles sont toutes vides, alors j'ai envie de rentrer seule chez moi.
Peu de choses me sont désormais aussi insupportables que de m'efforcer d'être un minimum aimable avec quelqu'un dont je me fous complètement mais qui n'a pas l'air de vouloir lâcher prise. Lorsque les choses touchent à leur fin, alors salut, à plus, on se recroisera peut-être, c'était chouette, pas de quoi en faire tout un plat. Je réagis généralement ainsi avec les gens foncièrement gentils, d'ailleurs.
Toute la soirée on m'a regardée avec des yeux ronds lorsque j'ai dit mon âge : "Ah bon ? Mais je croyais que t'avais 18, 19 ans maxi...", Angie constate une fois de plus ma malédiction : j'ai l'air tellement enfantine et souriante, inoffensive et vulnérable parfois que j'attire tous les vieux pervers, elle lâche : "Désolée de te dire ça, mais c'est comme vouloir se branler dans des lingettes pour bébé." La comparaison n'est pas très flatteuse, mais je dois admettre qu'elle a plutôt raison.
Encore une fois il n'y avait pas assez d'alcool à cette soirée, au moins cela m'aura épargné la gueule de bois.
J'aurais bien aimé essayer de dire quelque chose d'un peu joli, parler de la couleur du ciel ou du bruit de la pluie, mais comme je n'ai presque pas vu le jour, je ne peux rien dire.
De toute façon, ce qui m'intéresserait, ce serait qu'il me raconte une histoire.

Mercredi 23 février 2011 à 21:39

Et puis me décaler, me mettre en marge, fatiguée du bruit, de la foule, des rires, des cris et des pleurs, toutes ces émotions qui ne me ressemblent plus, qui ne nous rassemblent pas, lassée des discussions vides. Certains hurlent des idéaux, mais jamais le silence, pourquoi toujours parler, débiter articuler, pour des mots effacés par les suivants, toujours, redonnez-moi ma légèreté.
Et tous ces souvenirs de garçons que je n'ai jamais aimés, un chat, un sweat à capuche, un parfum, tant de bouches embrassées, effleurées, goûtées et rien au bout, je deviens si vite indifférente.
Les dépotoirs fleurissent le long de la voie ferrée, le train y rampe, matin et soir, ma tête contre la vitre, souhaitant souvent que ni le train ni la musique ne s'arrêtent, souhaitant rester entre deux pour toujours, une suspension du temps avec la BO de Pulp Fiction, surtout If love is a red dress, les pupilles aveugles et le visage neutre.
Même lors du sommeil le repos ne vient plus, je rêve que je perds la mémoire, que j'attends des trains qui n'arrivent jamais, ma vie se résume en somme beaucoup à ça : attendre des personnes qui ne sont pas là. Angoissée comme une enfant.
Et tout ton corps au fond de mon crâne, un territoire inconnu que j'explorais du bout des doigts, du bout des lèvres, le léger souffle de ta voix au creux de mon cou, monotone, tu inventais des contes pour que je dorme avant toi, et longtemps, longtemps, tu passais ta main dans mes cheveux, tu chantonnais parfois, je m'accrochais à ton épaule, sans espoir.

Samedi 19 février 2011 à 23:47

Depuis que l'on fait des teasers pour des pubs j'ai commencé à me dire que ce monde craint. Même avant.
Je ne regarde jamais la télé, je prends mon traitement au lithium afin de stabiliser mon humeur et de réguler mon sommeil anarchique ; l'humeur est globalement stable cependant : morose.
Le monde tourne, je fume mes clopes, bois mes verres, travaille. Ni plus ni moins.
Je reste dans les bars après la fermeture et éprouve encore ainsi la joie de fumer tout en faisant mes cul-secs au chaud, malheureusement toujours quelques pauvres cons pour venir emmerder le monde, le barman s'inquiète pour moi à chaque fois que je viens, désormais. Je n'ébruite pas mes histoires, je ne sanglote plus au fond des pintes. Un type très lourd avec qui je me comporte simplement de façon glaciale se tourne vers Angie et lui dit : "Avec tes piercings et ton air dur, je pensais que c'était toi la méchante, mais en fait c'est elle." tout en me pointant du doigt. Comme si cela pouvait me sembler d'une quelconque importance, je ricane tout bas, mon ironie ne lui échappe pas.
Plus le droit de refuser des verres ou des roses moches, plus le droit de ne pas vouloir laisser son numéro de téléphone, plus le droit d'avoir envie de se retrouver seule, le monde à l'envers, et des inconnus qui prétendent savoir, connaître, pouvoir s'approprier une personne. Je ne crie plus dans le vacarme des bars pour communiquer. Un habitué a mis un an avant de pouvoir s'asseoir à ma table, pourtant on discutait souvent.
La frustration dans les yeux du lourdaud à la drague bête, peut-être que ça marche avec certaines filles de les vanner, ça me laisse de marbre, je vois bien ce qu'il veut, conquérir et posséder, bon courage, tu as déjà perdu. Castré par ma taille, je réponds, je tiens mieux l'alcool et je ne me cache pas de l'agacement que l'on fait facilement naître chez moi. Je peux concevoir que je dois énerver pas mal de gens.
Je dors quatre heures, au matin mes collants sont  troués, j'ai un goût de cigarette dans la bouche, et l'impression de n'avoir dormi que deux heures. Je cuisine un déjeuner à la va-vite, et traîne tout le reste de la journée tout en vidant une bouteille de jus de pamplemousse.
L'herbe ne sera jamais plus verte ailleurs, pourtant.

Lundi 14 février 2011 à 19:21

Relire systématiquement ce que j'ai écrit avant, je ne me souviens jamais de ce que j'écris, j'écris et puis la nuit m'emmène dans mes rêves étranges et interminables, toute une nuit à rêver sans réellement dormir, ouvrir une demi-paupière, regarder l'heure sur mon portable, 3h, 4h, 5h, 6h, enfin je m'endors et me lève 1h plus tard, seule dans la grande maison. Je descends, culotte, t-shirt, cheveux ébouriffés, blafarde dans la lumière chaleureuse de la cuisine, épuisée.
Une histoire pas encore au passé, je te dis que je n'ai jamais vu Montréal, j'aurai une bonne raison de partir. Je ne sais pas lâcher prise, je le vois dans les yeux verts d'Angie, ses yeux prononçant : "Arrête, arrête, arrête.", et têtus, mes iris sombres tombent sur le sol. Je voûte un peu le dos, je rentre un peu la tête dans les épaules, compacte, le silence de sa bouche et les larmes dans ses yeux, arrête, arrête, je n'ai pas fini de me tordre les chevilles sur les cailloux que tu sèmes, c'est une honte, et les tasses de café fument entre nous, à moins que ce ne soit nos cigarettes.
Un message de mon frère qui ne rentrera pas ce soir, la maison sera encore vide et silencieuse, je reste celle qui reste. Je parle aux murs muets, tape dessus quand ils ne répondent pas, un peu, pas trop fort, je laisse mes doigts glisser sur la rambarde, je colle mon front aux vitres froides pour regarder la nuit, je mets beaucoup de musique, trop fort. Je m'assieds quelque part, je me pose, là, les mains ballantes, le regard fixe, je laisse le temps passer, et puis je m'ébroue, tout est futile.
Les fous peuplent mes rêves, aliénés, tristes.
Personne ne me fait penser à toi, quelques fois ça me soulage et d'autres non.
Mes mains se superposent, recroquevillées, avant, tu lissais ma paume de la tienne, je riderai mes mains avant toute chose.
Je ne m'accroche à rien et le temps passe, déjà je n'ai plus le temps, déjà, dans même pas une heure je serai dehors, et les yeux d'Angie me feront encore tant de peine, non, je ferai encore tant de peine aux yeux d'Angie.
Mettre un point final sur une page blanche, tout en bas, en souvenir de tout ce que nous n'avons pas pris le temps d'écrire.
Lorsque je parle, j'entends tes intonations dans ma bouche, il paraît qu'en fait non, c'est juste que toi et moi avons la même façon de parler, c'est tout ce que je garde de toi, et puis une photo idiote dans mon portable que je ne regarde jamais, je te parle aussi parfois, quand la musique est très forte et que je suis seule chez moi ou dans la rue, je te parle, je pose toutes les questions que je ne me suis pas autorisée, je susurre les reproches que je n'ai pas le droit de faire, car, sache-le, à ta place, je n'aurais pas agi différemment.
Pour un rêve, je serai partie aussi. J'aurais tout laissé aussi.

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