J'enfilerai mes collants noirs, mon short et mon débardeur noir, je mettrai un gros pendentif en forme de chouette et des boucles d'oreille en forme de feuilles, et puis je partirai oublier puisque trop de temps a passé et que l'amertume s'en mêle, que tu m'écris que tu veux me voir mais que tu ne peux même pas songer à revenir, je redeviens minable. Il ne me reste même plus l'espoir de voir cet été encore avec toi, posés aux terrasses à boire des bières, à t'écouter et puis à rire. Ton animal domestique fait une fugue, pardonne-moi, mais il n'y a rien à pardonner puisqu'on a jamais été ensemble, et que s'aimer ne suffit pas, pourquoi tu reviens pas ?
Je vais aller passer la soirée avec un frimeur, alcoolique, drogué, beau gosse, le genre de type pourri jusqu'à l'os qui n'a aucun point commun avec toi, dieu merci, le genre de type plein aux as qui me prend pour une pauvre fille facile. Et je dînerai face à lui en me demandant ce que je fous là, et puis en pensant beaucoup à toi, j'imaginerai que c'est toi en face de moi et je ne l'écouterai pas, et quand j'aurai assez ingurgité diverses choses plutôt pourries entre sa logorrhée, mon dégoût, l'alcool et mon mépris, quand j'aurais digéré ce ramassis de conneries, alors mon cynisme reprendra le dessus et je rirai, et je protesterai lorsque fatalement, au bout d'un moment, il lâchera : "Mais si t'es comme moi !", et puis je me moquerai qu'il me croit ou pas. Je sais déjà le genre de phrases que je vais entendre, il dira que je suis belle, m'appellera "Miss" mais j'ai toujours eu une sainte horreur des types qui m'appellent "Miss", que ça faisait longtemps qu'il m'avait remarquée, mais que non ce n'est pas un coureur MENTEUR et que je suis différente des autres filles, ça se voit tout de suite, je suis quelqu'un qui a beaucoup de choses à donner et qui a besoin d'affection et de tendresse, et que je suis gaie mais fragile, gentille et douce. Ah, et puis, j'entendrai aussi que je fume trop.
Je chercherai ce qu'une autre fille que moi pourrait lui trouver, je trouverai des réponses et je verrai des brèches où je ne prendrai pas la peine de me faufiler, passive, le sourire aux lèvres et le coeur froid, mon corps prendra le relais, et ces types là je les connais, au bout d'un moment fatalement il lâchera de la tendresse, je me serais imposée tout ça pour ça, tout ça pour quelques secondes de tendresse, apaiser cette bête odieuse qui geint au fond de mon petit être, une minute ou des heures, je m'en fous, je volerai ça, puisque toi, puisque toi...