Vendredi 1er mars 2013 à 17:00

 Puisque c'est pas possible de s'en sortir à deux avec un smic en payant le loyer, l'électricité, l'eau, le crédit auto, les couches de Fripouille, et tout le reste...
Puisque même aller chez le coiffeur est du domaine du fantasme, et qu'une sortie en amoureux n'est qu'un lointain souvenir...
Puisqu'en face de toi, quand tu cries, quand tu gueules que tu ne peux pas vivre comme ça, on te répond que personne ne peut rien pour toi...

Puisque tout ça, un continent en tête : l'Afrique.

On a essayé de vivre honnêtement. On a essayé de ne pas profiter du système. Mais jour après jour l'asphyxie te gagne, et en sortant d'un des bureaux d'une administration quelconque, j'ai dit en ravalant mes larmes : "Je comprends ces personnes qui s'immolent", et tu ne m'as pas contredite. Tu tenais ma main, si fort, si fort.

Mais au moins, nous, on a quelque chose que bien des gens n'ont pas. On s'aime.
Tous les trois.

Le vrai amour ce ne sont pas les fleurs, les restos et la poudre aux yeux. Ce n'est pas le palpitant qui s'emballe sans cesse, pour rien. Le vrai amour c'est un quotidien, c'est ses défauts et puis ceux de l'autre.
Ses yeux posés sur moi chaque jour.

On aimerait tant faire tellement de choses. Offrir une belle vie à notre Fripouille. 
Mais ici, c'est impossible. 
T'es plié, broyé, fliqué, traqué. Tu regardes le compte à découvert le 5 du mois, et tu serres les dents. Tu rigoles pour ne pas te plaindre. Notre bébé n'a jamais de vêtements neufs. Il n'a presque rien eu de neuf, d'ailleurs.
J'aurais tellement voulu pouvoir aller courir les boutiques et puis choisir sans trop réfléchir.

Mais 'faut pas pleurer. Il y a pire. Bien pire.

J'ai toujours été de celles qui se battent, et quand je regarde leurs yeux à tous les deux, je sais pour quoi je me bats.
Et je sais que je ferai n'importe quoi, tout serait justifié, tant que c'est pour eux.

Il faut réfléchir, encore, encore, tout mettre sur pied, tout mettre en place, et puis partir. Tous les trois, comme si on n'était qu'un parfois.

Vendredi 3 août 2012 à 10:54

 C'est vrai, j'ai toujours souri lorsque je suis partie, toujours souri lorsque j'ai trahi.
Mais alors ma vie n'était qu'à moi.
Aujourd'hui, ma liberté je l'ai quittée, pourtant elle m'avait emmenée loin, plus loin que tout, même si j'y ai laissé des plumes, souvent.
Dire adieu à l'ivresse des départs, se "ranger", comme ils disent, bien sage dans sa petite cage.
Je ne me souviens pratiquement d'aucun premier rendez-vous, mais je me rappelle du trac.
Je me souviens du soulagement aussi, la dernière fois que j'avais claqué la porte de l'appartement, mes doigts glissant la clé sous la porte, définitivement.
Comme si je n'avais jamais respiré auparavant.
L'émotion des flirts, les doigts tremblants dans le noir, je me rappelle de tout ça, je me souviens que je n'ai jamais pu me livrer avant d'avoir baisé, c'était plus facile après. Même si souvent je ne trouvais rien à dire, parce que je me foutais de parler ou de l'image de moi dans leurs yeux, oui, souvent je m'en foutais éperdument.
Ils me trouvaient cruelle lorsque j'allumais ma cigarette sans les regarder, et que je me rhabillais pour partir. Dure, lorsque je n'envoyais pas de messages, sauf pour venir. Froide, lorsqu'ils m'appelaient et que je ne trouvais rien à raconter. A leur raconter.
Tu sais, tu m'aurais laissée partir sans café, sans me ramener, sans rien me dire, ça ne m'aurait pas dérangée.
Je me foutais de ne rester qu'une étrangère.
Nous ne nous devions rien.
C'est vrai, je suis partie avec toi, mais pas que pour toi. Je suis surtout partie pour fuir, pour quitter, pour abandonner, pour trahir.
Est-ce que tu comprends ça ?
Je n'ai jamais voulu renier ma liberté.

Jeudi 15 mars 2012 à 19:06

Et puis le silence au bout de mes doigts.
J'ai recommencé à écrire des lettres avortées. J'ai recommencé, je le dis, comme ça, tant pis.
Un appartement dans une rue d'école, du lambris au plafond qu'il trouve moche et dont je me fous. Ma signature en bas d'un bail, et ce petit proverbe populaire qui revient trotter : "T'as signé, c'est pour en chier."
J'essaye de lui expliquer que je ne peux plus être insouciante. Je repense à mes errances, elles me manquent quand le photographe m'envoie un message où il m'assassine en m'appelant ragazza, on ne m'avait jamais aimée en italien. Je repense à ce que j'ai laissé, à la cacophonie de Paris, aux derniers trains dans lesquels je flippais parfois, les pupilles dilatées sur la nuit jamais noire, bercée par le crissement des rails, l'écho de la musique des autres, les cris des racailles, et dehors par intermittence les tags sur les murs, TIIGE, je cherche parfois cette inscription des yeux sur les murs des villes que je traverse.
La poésie de ma banlieue me manque, la poésie et la violence aussi.
Tout est allé trop vite et déjà ma vie n'appartient pas qu'à moi.
Des fringues de bébé qui s'entassent comme des fringues de poupée, et ma si grande lâcheté.
C'en est fini de mes fuites, fini de mes courses-poursuites, fini de gueuler dans les rues à perdre haleine, fini de jouir de la nuit, de l'aube, et puis pas d'avenir, l'avenir on s'en fout c'est pour les caves, moi j'suis pas une cave, j'me laisserai pas piéger, j'vous le dis, c'est pour les connards la maison le renault espace le chien qui joue avec le môme.
J'ai l'air un peu con, du coup, comme ça, avec mon gros bidon. Un peu beaucoup très con.
C'est pas pour dire, mais j'en chialerai presque.

Et puis parfois je me dis que c'est chouette. Que je vais aller bien, qu'on va aller bien. Que c'est pas si mal, d'être dans le droit chemin, au lieu de suivre les ruelles obscures qui longent les voies ferrées. Qu'entendre "je t'aime", c'est mieux que de ne jamais l'entendre, que de toujours courir après un rêve qui s'enfuit un jour, comme ça, tu te lèves, tu poses un baiser, tu t'en vas, et puis plus rien. Tu sais que plus rien. C'est fini comme ça, sans cris, sans drame, ça fait mal quand même, tout au fond. Mais bon. C'est la vie. Tu mets ta musique et puis tu t'éloignes. Chaque pas te donne envie de faire demi-tour mais tu ne le fais pas. Tu respectes ta promesse : "Pas de lettres, pas de larmes, pas de serments, pas d'amour." Alors pas à pas tu fais ta fière, ta belle. La gueule haute et puis les larmes en travers.
Par moments je me dis que ça ça pouvait pas faire une vie. Mais je ne le saurai jamais puisque je n'ai pris l'avion ni pour New York ni pour Montréal. Un peu de rancune, ça me plombait trop pour décoller.
C'était pas viable.
Moi je m'en fous qu'on me dise qu'on m'aime, je veux juste qu'on ne me mente pas. Si l'on veut plus de moi on me jette, et puis je me relève, ça me tue pas. Mais je ne veux pas perdre ma vie à être trahie, je ne veux pas perdre mon temps. Et c'est de ça dont j'ai peur. C'est de donner toute ma vie pour quelqu'un qui trahit, je pourrai pas supporter.
Ouvrir les yeux un matin, et se dire : "Et voilà. Rien. Les dernières années de ma vie n'ont été qu'un mensonge et les souvenirs dont je croyais être sûre de la couleur sont faussés, voilà, je n'ai même pas ça, même pas mes souvenirs puisque déjà le mensonge était là."

Parfois je me dis, j'aurais du prendre l'avion, mais pas pour New York ni Montréal, pour une autre destination, peinarde.

Courageuse, la nana.

Il reste si peu de jours.

Lundi 30 janvier 2012 à 12:13

 Je ne suis pas qu'un ventre.


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Mardi 17 janvier 2012 à 12:01

 La fenêtre bouchée de brouillard.
Je fais l'effort de me souvenir, parfois. L'autre jour dans la brume épaisse, le visage, très rouge, d'un homme. 
Les dossiers qui se remplissent, et puis, les affaires de poupée qui s'empilent. Il dit qu'il a hâte. Je dis que j'ai peur. Une voiture de riche, achetée pas cher. Des conneries comme ça.
"La télé, le canapé et puis le crédit à payer..."
On est bien loin de l'insolence, les enfants. Bien bien loin. 
Et puis, elle arrive à la fin de la semaine, j'ai hâte, les longs cheveux et puis les yeux presque trop verts, oui j'ai vraiment hâte.
Je fais écouter de belles chansons à mon ventre, mais comme toujours du très mélancolique.
Les cigarettes me manquent, beaucoup.
Le photographe se fait homme-silence, après homme-absent, comme il fallait s'y attendre. Il ne me manque pas. Je sais par avance qu'on ne hurlera plus le même langage, qu'on ne verra plus le calme derrière les cris, et puis, au fond de tout ça, l'amour qu'on avait pas besoin de se dire. Ca a quand même été une belle histoire. Un bûcher abandonné.
Je t'aime bien, Loupiot. Un peu triste, tout ça.
Ca ressemble bien au brouillard de l'autre côté de la fenêtre, en fait.


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