Mercredi 7 octobre 2009 à 11:44

Certaines de mes connaissances croient voir une réalité à travers mes mots, et fiers, se disent qu'ils perçoivent de moi plus que je ne crois. Quand je leur demande ensuite de me dire ce qu'ils ont vu, ils me disent : "Mais c'est évident, voyons, c'est ton histoire, c'est toi. D'ailleurs tu devrais arrêter de te torturer comme ça, tu devrais l'oublier."
Comment expliquer que j'avais clairement pensé, dans le RER puis dans le métro en allant chez Manu : "C'est la dernière fois que j'y vais, à cause de la solitude, à cause des mains qui tremblent, à cause de l'angoisse." Comment expliquer les adieux muets que je lui ai faits ? Je n'ai rien dit, mais c'était aussi clair pour lui que pour moi, c'était fini, car nous étions déjà allés trop loin. Nous nous en voulions, nous aurions préféré que ce ne soit pas ainsi, mais c'est la vie, c'est comme ça, parfois il n'y a rien à dire, rien à faire. Le lendemain il m'a raccompagnée au métro, m'a fait la bise, m'a dit de prendre soin de moi. Je suis partie et je ne peux pas dire que je n'avais pas mal, mais j'étais résignée. J'éprouvais une sorte de tristesse calme, lucide.
Peu de temps après, j'ai rencontré un garçon que je n'avais pas prévu de rencontrer. Blond, les yeux bleus, un sourire à fossettes, une guitare dans le coffre de sa voiture et la casquette vissée sur la tête, mal rasé, le jean déchiré. Nous étions avec des amis, nous avons décidé, à l'improviste, de partir dans une fête foraine. Lui et moi avions dit que je ferai le manège qu'il choisirait. Il a choisi la boule avec les élastiques, qui propulse super haut super vite. J'étais perchée sur mes talons aiguilles, j'ai levé le nez, je l'ai regardée, mal assurée, et j'ai dit "Ok." J'ai monté les marches métalliques, me suis assise dans la boule, le forain m'a dit d'enlever mes boucles d'oreille et m'a harnachée solidement. J'ai regardé ses yeux bleus à ma gauche, il m'a tendu la main. Mes yeux passaient de sa main à son visage, sans comprendre.
" - Tu as peur ?
- Oui.
- Alors prends ma main."
Je l'ai prise. C'était la première fois qu'on me demandait si j'avais peur, la première fois que je répondais sincèrement à un inconnu, la première fois que je saisissais la main qu'on me tendait au lieu de la repousser d'un rire, au lieu de faire ma fière, au lieu de faire ma forte. Je ne sais pas pourquoi, je ne sais pas ce qui m'a fait vaciller.
Nous avons ensuite marché côte à côte dans la fête foraine, Pop' traînant derrière avec Swann. Lui et moi montions ensemble dans tous les manèges que nous avons faits, parlant et parlant encore. Déjà l'après-midi, dans sa voiture, nous nous jetions des regards dans le rétroviseur intérieur. Nous avons finis par un tour de grande roue, j'avais froid, j'étais fatiguée, il m'a serrée contre lui.
Il m'a raccompagnée chez moi car le dernier train était parti depuis longtemps, et nous avons parlé des heures et des heures dans la voiture.
Alors j'ai su que Manu et moi c'était fini pour toute la vie, j'ai su que je n'effacerai pas le mal et les insultes et les larmes, mais je n'avais plus envie de le déchirer, plus envie de le jeter à terre, de l'humilier. J'ai pensé à Goldman : "Je garderai la blessure, au fond, tout au fond, mais au-dessus je te jure que j'effacerai ton nom."
Lui et moi nous parlons encore, parfois. Quelques phrases. Il me fait de rares compliments, se moque un peu de moi.
Et moi je fais des allers-retours entre Saint Quentin et Paris, pour aller voir ses jolies fossettes, pour me donner le droit d'être fragile dans ses bras.

Dimanche 4 octobre 2009 à 20:11

Plus tard, allongés devant la télé, Thomas posa ses doigts sur le dos de Chloé, sous son bustier. Elle ferma les yeux, sourit, désabusée. Les mains d'abord timides, Thomas s'enhardit, glissant de son dos vers son ventre, vers ses seins, retournant dans le dos et dégrafant le soutien-gorge d'une main. Chloé ôta le tout, le regarda dans les yeux :
« C'est ça que tu voulais ? »
Le défi sonnait dans sa phrase et brillait dans ses yeux, mais il ne perçut pas la violence que se faisait Chloé, il ne comprit pas qu'elle allait s'abandonner en se donnant, qu'elle allait encore se trahir, encore se brader, encore se vendre. Elle s'était promis de ne jamais revenir chez lui, et elle avait échoué sur la berge de son lit, encore une fois. Thomas la regardait, impatient. Il lui arracha son jean, et Chloé le fixait toujours, sans sourire, sans tendresse, presque avec colère. Lui, aveuglé par la beauté de sa Chloé, ne se rendait compte de rien, elle le savait, se détestait d'être là.
Mais, soudain tendre, il la serra contre lui et l'embrassa. Elle cacha sa tête dans le creux de l'épaule de Thomas et se mit à pleurer, sans un bruit, sans un sanglot, si bien qu'il ne s'en aperçut même pas.

 

CHLOE

 

Elle avait souhaité protéger Thomas de tout le mal du monde. Elle avait souhaité le soutenir, réparer ses fêlures, apaiser son crâne torturé. Elle ne lui voulait que du bien, elle ne voulait que son bonheur. Avant.
Désormais elle partait chez lui comme on part pour la guerre, ses yeux lacéraient et sa bouche crachait son mépris, pugnace. Mais elle était toujours accompagnée de la peur, vissée au fond du ventre, une peur inexplicable, sourde, lancinante. Chloé redoutait le jour où elle et lui iraient trop loin, en même temps qu'elle attendait de le regarder et de ne plus reconnaître le garçon qu'elle avait aimé.
Chloé, au milieu de ses amis, demeurait joyeuse. Tout n'allait pas si mal, tout n'allait pas si mal, Thomas l'aimait, le cachait certes très bien, mais il l'aimait. Sinon comment justifier ses petites attentions surprenantes ? Il n'avait seulement pas la force. Chloé n'admettait pas que Thomas était simplement trop égoïste pour faire réellement le moindre geste vers elle. Elle sombrait doucement et il riait, elle ne voulait pas voir que ce n'était pas de la compréhension, ou de la compassion. Il ne parvenait pas à sortir de lui pour la prendre dans ses bras. Mais Chloé chassait ses doutes, fuyait la réalité, marchait le nez en l'air, allait boire des verres avec ses amis, elle se disait vivante quand elle s'étourdissait de trop, alors qu'elle vivait à l'envers.
Mais après tout, briller d'un éclat sombre, c'était tout de même briller. Il y avait des jours où Chloé se battait pour ressentir quelque chose d'autre que ce vide qui commençait à prendre toute la place en elle, ne laissant rien au hasard. Elle avait voulu relever Thomas, lui enlever toutes ses craintes, tous ses doutes, elle avait voulu le ramasser et le soutenir, patiemment. Impuissante face à son entêtement à être malheureux et à se noyer dans les autres, Chloé le regardait désormais vivre, le voyant parfois, tendue continuellement vers lui. Chaque geste, chaque pensée, chaque mot n'existait que pour Thomas, que par Thomas. Et le vide grandissait, cette lassitude, cette usure, qui lui faisait rechercher ailleurs ce qu'elle ne trouvait plus en elle au cours de ses longues insomnies qui la jetaient parfois dehors toute la nuit, pour un mot doux, un sourire, un verre de plus, pour n'importe quoi. Elle se retrouvait à l'aube hagarde et blême, les yeux rougis, se fixant longuement dans la glace, elle avait envie de se casser la gueule, se disant qu'elle avait survécu, ne sachant même plus pour qui, ni pour quoi, puisque Thomas était loin et que rien n'y faisait.
Elle aurait préféré mourir plutôt que de l'avouer à qui que ce soit, aussi Chloé était en guerre, contre elle, contre le monde entier, et Thomas la regardait en riant de ses grands yeux noirs,

 

THOMAS

 

Thomas remarquait de plus en plus les airs de bataille de Chloé, il voyait les cernes sous ses couches de fond de teint, il l'avait sentie plus maigre, les os à fleur de peau, ne pouvant se douter qu'il en était la cause. Il voyait bien la marque sur la droite de sa lèvre, là où elle se mordillait désormais nerveusement, au point qu'il avait un jour du essuyé le sang qui en coulait du bout du doigt, Chloé ne s'en apercevant pas. Elle et sa cambrure, ses jambes interminables, ses yeux si francs et si profonds... Désormais elle fuyait ses regards, ou les soutenait au contraire avec une insolence folle, l'air de dire « Tu vois ? Tu vois à quel point on peut s'abîmer ? » et son sourire si lumineux était un mensonge. Chloé ne se ressemblait plus, Chloé était le mensonge.

Jeudi 1er octobre 2009 à 10:06

Je me fais vagabonde, partant encore ce week-end.
Ca a débuté dans une fête foraine. J'ai toujours aimé les fêtes foraines et les manèges qui font hurler. Ce n'était pas prévu, alors je portais des talons aiguilles et mes pieds me faisaient mal.
Manuel m'a poursuivie un peu, mais face à mon absence de réponse il a baissé les bras.
Mes nuits m'ont ramenée dans le passé, crachant ma bile face aux yeux verts qui ne sont plus là depuis plus d'un an, et que je ne veux plus jamais revoir.
J'ai relu de vieux mots. "Ce serait mieux si tu pleurais", "Tu es jolie quand tu pleures"
J'ai eu envie d'arracher des pages et des pages.

"La nuit s'est enfuie en un éclair, ne laissant qu'une aube rosie par le gel. J'attends la neige.
C'est tellement froid, ces lignes sur le papier. Je me sens si étrangère à moi-même. Je relis les pages et ne me reconnais pas. Les photos et les miroirs me font le même effet.
L'angoisse.
Le silence. Le froid. Le vide. La solitude.
Je n'ai aucune intimité avec moi-même.
J'ai perdu le fil. Je me suis déchiquetée. Il ne me reste que ces banales constatations. C'est comme se contempler de loin. Se regarder et en rester abasourdie. Laisser la plume en suspens. Rater des battements de coeur. Tout ça. Et d'autres sensations qui n'ont pas de nom. J'ai l'impression de m'être plongée dans un torrent glacé, d'avoir perdu la meilleure partie de moi - la VIVANTE."

"Attrape-moi par le bras, fais-moi danser et sers-moi une vodka. Les étoiles ne seront plus jamais doubles, du moins plus comme avant mais ma sale caboche non plus. Nuit glaciale, craque une allumette et laisse-la brûler dans le noir."

"Ecrire jusqu'à l'insomnie. Se soûler de mots pour essayer de se convaincre que l'on est pas coupable. Avorter les possibles liens sociaux. Partir à regret, mais partir tout de même ; la pluie si douce de ce soir de janvier. La fièvre, l'alcool, ces lignes ignobles tracées à l'instinct. Demain n'existe pas."

"Il y a des soirs où elle pensait qu'elle ne supporterait jamais la douleur. Et au matin, hagarde et blême, elle avait tout de même survécu, sans savoir pourquoi, ni pour qui."

"Comment lui expliquer les longues insomnies et l'angoisse sourde, et cette sensation d'étouffer et ces gens qui exigent tous quelque chose d'elle, comment lui dire "Je ne suis pas belle, regarde-moi telle que je suis vraiment" et la solitude et ces milliards de choses qui blessent comment lui faire comprendre ; elle sait qu'il ne veut pas savoir."

J'avais 18 ans, je portais des sous-vêtements à 200€, je me soûlais au martini-gin dans le 16è, parfois au whisky dans le 93, je buvais dès le réveil, et toujours toujours les cernes noires sous mes yeux et les pupilles dilatées. Petite pute en mini-jupe et porte-jarretelles, embaumant le parfum de luxe.
J'avais 18 ans, je n'allais pas en cours, j'étais amoureuse d'un garçon de 22 ans, je passais ma vie chez lui, je passais ma vie à l'attendre. Pour un geste de sa part, pour un sourire, pour que son regard m'effleure, je me serais damnée.
Je le trompais pour tromper ma solitude, pour me venger, pour essayer de ressentir, mais jamais par plaisir. J'étais anesthésiée, tellement cadavérique que je paraissais 5 ans de plus. Je riais sans joie, pour rien, pour être dans le ton.
Je ne me pardonne pas.

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