Samedi 13 juin 2009 à 12:52

St Michel, un bar.
Un type me met des roses sous le nez alors que je pleure contre l'épaule de M', que je pleure tout ce gâchis, et ce temps perdu qui ne reviendra pas, parce que je sens au fond de moi que quelque chose s'est rompu, alors je relève le nez et je balance un sourire tordu et morveux au mec, qui se barre avec ses roses que je piétinerais bien, mais je ne bouge pas, je ne sanglote pas non plus, je laisse juste les larmes rouler et je regarde droit devant moi, et M' n'arrête pas de parler, je voudrais lui dire de se taire, mais je ne veux plus parler non plus, et il est obligé de m'engueuler pour que je réponde, alors je lui balance un sale truc bien méchant, bien bas, bien mesquin, et je m'en veux tout de suite après. Il me chuchote dans l'oreille que je suis trop jolie pour pleurer comme ça, et j'ai envie de le secouer et de lui hurler : "Pourquoi, mais pourquoi alors ?" Je ressens l'absurdité comme un vertige, on nage dans l'insensé, et ça me paume violemment, j'ai l'impression que plus rien n'a de réalité, la fin du monde pourrait advenir ça me serait bien égal, ça ne m'arracherait que mon habituel haussement d'épaules, avec sourire ironique en prime.
Je me sens coincée en moi, et je plante mes ongles dans mes paumes.
Il desserre mes petits poings crispés. 
Tendrement.

"Désolé.", dit-il.
"C'est trop facile d'être désolé, n'importe qui peut être désolé. Même moi.
- Tu m'en veux ?
- Non. Ca ne servirait à rien.
- Tu pleures encore. Tu devrais pas. T'es trop jolie pour être triste, je t'ai dit. Et puis, ça vaut pas la peine. Non ?
- De toute façon, je n'ai même pas mon mot à dire. Que je sois d'accord ou pas, ça ne change rien.
- C'est vrai. Je crois que je vais partir.
- Alors pars."

Jeudi 11 juin 2009 à 11:19

En vacances pour trop longtemps, à ne rien foutre de mes journées je me regarde sérieusement le nombril.
Souvent je ressors au milieu de la nuit pour aller dans une grande maison, chez un garçon qui n'a pas d'âge. Et je pense à un autre.
Dimanche nous partons à la campagne. Moi, mon frère, M', et deux autres. Moi j'emmène mes secrets sous le bras. Pour que personne ne tombe dessus.
Parfois je trouve la ressource de dire "Non, je ne viendrai pas." Cette nuit je l'ai trouvée mais d'autres nuits viendront, et je ne sais pas.
Si l'on me demandait "Pourquoi ?", je crois que je répondrai : "Et pourquoi pas ?"
Bien sûr ce n'est pas une réponse, mais je n'ai pas envie de chercher la vraie réponse, je n'ai même pas envie de me poser la question.
Dans mes rêves je me rase la tête, je me perds et je suis défoncée.
Tout un programme.

Lundi 8 juin 2009 à 10:15


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Il a fallu sortir et sourire et le voir, et l'entendre parler d'une autre fille, tout ce temps là il fallait rire pour ne pas le laisser gagner, et pour pouvoir rire je me suis mise à penser à ce que j'ai fait pour défier ma solitude, pour effacer ses caresses et exorciser ses longs regards, et j'ai eu envie de me jeter sur lui et de le frapper, mais je n'ai rien fait, je hochais la tête et je rigolais, on avait décidé de s'appeler par nos prénoms de Bisounours, c'était sacrément con, ça me donnait des envies de meurtre.
Plus tard, je dansais avec un garçon, pas trop mal, mais aucun intérêt, et il s'est ramené et je lui ai demandé ce qu'il foutait là, il m'a crié qu'il ne savait pas, j'ai haussé les épaules et il m'a pris dans ses bras. Je lui ai dit "J'ai pas envie de te détester." et il m'a dit "Pourtant tu devrais." et j'ai haussé les épaules encore une fois, j'ai posé ma tête sur son épaule. J'ai continué à danser contre lui, il me caressait les cheveux, j'ai relevé la tête et j'ai souri, et on entendait "Losing my religion". Il m'a embrassée dans le cou, j'ai remis la tête sur son épaule, et lui a mis ses mains sur mes hanches, il me caressait le dos, j'ai relevé la tête pour qu'il m'embrasse.
Je suis rentrée avec lui quand le jour se levait, je n'osais pas lui prendre la main, je n'osais pas trop sourire, ça me semblait trop irréel, je marchais à côté de lui et je tirais sur ma cigarette, on parlait et on riait un peu. Je suis partie dans l'après-midi, je me suis plus sauvée qu'autre chose, et aujourd'hui je ne sais même pas où j'en suis, ni à quoi cette nuit a rimé.


Vendredi 5 juin 2009 à 15:00

Ca commence par un tremblement, un frémissement à peine perceptible au fond de la conscience. L'interdit et cette envie de le braver, puisqu'après tout, l'interdit n'est qu'une convention, un accord tacite. Cette envie de se rebiffer un peu, et de garder pour soi la puissance de cette rébellion, quand son monde tremble sous un visage paisible, et que cette idée fait tranquillement son chemin, sous forme de "Et pourquoi pas ?"
A ce moment là, on sait déjà que c'est trop tard, que l'envie est bien trop présente pour être balayée. On continue tout de même à se chercher des arguments pour la bonne conscience, on se donne des raisons qui n'en sont pas.
On repousse encore, on hésite, on temporise. Pour la forme. On sait déjà qu'on fléchira, puisque l'envie revient sans cesse, lancinante à force d'être ignorée, toujours là derrière nos gestes, nos paroles, et nos pauses. Cette hésitation me fascine, comme si elle était la justification, comme si le fait de ne pas avoir foncé tête baissée légitimait notre comportement, mais c'est faux, que l'on dise "oui" maintenant ou plus tard, cela ne change rien, puisque l'hésitation n'est même pas une réflexion, elle ne fait qu'ajourner le dénouement.
Au final, l'envie est plus forte que soi-même, et l'on cède. Plusieurs fois j'ai eu l'impression d'être submergée et de prendre des décisions comme si c'était inéluctable, parce que parfois tout se déroule comme si cela ne pouvait pas se passer autrement. La justification n'intéresse personne, pas même nous-mêmes. Se chercher des raisons n'est qu'un moyen de justifier ce qui est injustifiable, de s'arranger hypocritement avec soi-même.
Mais il y a aussi une forme de violence dans ces pulsions.
Parfois, je me demande, qu'est-ce qui peut bien nous jeter dehors au milieu de la nuit ? Qu'est-ce qui nous pousse à sortir dans le froid pour aller échouer chez quelqu'un d'autre ? Qu'est-ce que qui nous pousse à nous renier, à renier ceux qu'on aime au profit de ceux qui nous sont indifférents ? A ravaler son orgueil, ou ses larmes, ou les deux ? D'où vient cette envie de se faire mal pour faire mal aux autres ?
Souvent, je me demande d'où vient toute cette violence, toute cette violence envers soi, banale et quotidienne, et jamais je ne trouve la réponse.
Il faut se graver des mots dans la peau pour ne pas les oublier, pour ne pas oublier ce qui a été. Un dessin incrusté dans la chair pour toute une vie, ce qui est long, ou abominablement court. Un résumé.

Heureusement, parfois il y a la Trêve, où tout est plus simple, et où l'oubli est autorisé. Des moments où l'on a le droit d'oublier la violence et de se laisser exister.


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Jeudi 4 juin 2009 à 21:14

On se vautre dans la vulgarité, pas d'erreur possible. M' est parti, comme il est venu, alors que j'avais encore tellement de choses à lui faire deviner, tant de choses à lui montrer, tant de choses à partager avec. Tant pis, on retombe dans d'autres bras, après trois ans à lui poser des lapins il a réussi à me mettre dans son lit, et je n'ai même pas l'excuse de l'alcool, pour une fois, je crois que c'est juste la solitude, et le trou dans le ventre qui est revenu.
Je crois qu'en fait ça ne me quittera jamais, c'est plus fort que moi, et je m'en moque. Je me noie comme tant d'autres fois.


"Tomas se disait : coucher avec une femme et dormir avec elle, voilà deux passions non seulement différentes mais presque contradictoires. L'amour ne se manifeste pas par le désir de faire l'amour ( ce désir s'applique à une innombrable multitude de femmes ) mais par le désir de sommeil partagé ( ce désir-là ne concerne qu'une seule femme. ) "

" Elle était attirée par cette faiblesse comme par le vertige. Elle était attirée parce qu'elle-même se sentait faible. Elle était de nouveau jalouse et ses mains s'étaient remises à trembler. Tomas s'en aperçut et fit le geste familier : il lui prit les mains pour la calmer d'une pression des doigts. Elle lui échappa.
" - Qu'est-ce que tu as ?
- Rien.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse pour toi ?
- Je veux que tu sois vieux. Que tu aies dix ans de plus. Vingt ans de plus !"
Elle voulait dire par là : je veux que tu sois faible. Que tu sois aussi faible que moi. "

" Elle avait envie de faire quelque chose qui l'empêcherait de revenir en arrière. Elle avait envie d'anéantir brutalement tout le passé de ses sept dernières années. C'était le vertige. Un étourdissant, un insurmontable désir de tomber.
Je pourrais dire qu'avoir le vertige c'est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience de sa faiblesse et on ne veut pas lui résister, mais s'y abandonner. On se soûle de sa propre faiblesse, on veut être plus faible encore, on veut s'écrouler en pleine rue aux yeux de tous, on veut être à terre, encore plus bas que terre. "

" Elle avait une terrible envie de lui dire comme la plus banale des femmes : ne me lâche pas, garde-moi auprès de toi, asservis-moi, sois fort ! Mais c'était des mots qu'elle ne pourrait et ne savait pas prononcer.
Quand il desserra son étreinte, elle dit seulement :
" Qu'est-ce que je suis contente d'être avec toi! "
Avec sa discrétion naturelle, elle ne pouvait en dire davantage. "

" Qu'est-ce que le vertige ? La peur de tomber ? Mais pourquoi avons-nous le vertige sur un belvédère pourvu d'un solide garde-fou ? Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix du vide au-dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi."

L'insoutenable légèreté de l'être,
Milan Kundera

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