Vendredi 19 novembre 2010 à 16:47

http://smoking.gun.cowblog.fr/images/thekills.jpg

Des tonnes de petites choses à faire en attendant demain, comme recoudre mon jean noir, trouver avec quoi porter ma chemise de soie noire, me revernir les ongles, me racheter des clopes.
Le temps est tellement gris.
Trois nuits d'insomnie, et pourtant je ne sens pas la fatigue.
Me racheter des collants noir aussi.
Ce qui nous amène au calcul suivant : comment faire pour acheter un paquet de tabac et des collants avec 10 € ?
La vie est décidément bien compliquée depuis la hausse du tabac.

Sur mon bureau traînent des cartes de visite accumulées en deux ans, photographes ou vieux dalleux. Je les garde, petite collection inutile mais flatteuse pour l'ego.
La bouteille de vin traîne toujours dans ma chambre, quelques dessins d'Angie, de vieux photomatons, mes livres et mes vêtements éparpillés par terre.
La nuit tombe et je ne bouge toujours pas.
Assise à tapoter.
A tenter de retenir un peu le temps.

Je crois que cette nuit, j'aurai encore du mal à dormir. J'ai maigri, aussi.
Hier, à 16h, la bouteille de vodka était sur la table, et mes ongles tapotaient mon verre, mes doigts suivaient les rayures de la table en bois, tripotaient mes cheveux, nerveuse, impatiente, intenable.

C'est que, voyez-vous, demain je lui dis au revoir.

Mardi 16 novembre 2010 à 19:25

Elle était très brune, avec de grands yeux bleus, elle était fine et belle, tellement belle que je ne pouvais pas quitter des yeux son visage à la peau si pâle orné d'une jolie bouche ciselée de lèvres roses.
Plusieurs personnes étaient dans la salle, à écouter ce que je devais dire, là, ridicule, plantée devant eux dans l'uniforme de mon école, à ne pas savoir quoi faire de mes mains, et elle me fixait, et j'ai parlé comme si il n'y avait qu'elle. Elle écoutait comme si cela était important, alors que ça ne l'était pas. Elle n'a pas posé de questions, je n'ai pas entendu le son de sa voix, ni même su son prénom.

Je crois que ce jour-là, j'aurais du laisser tomber tous ces papiers entre mes mains, toutes ces fiches de renseignements, je crois que j'aurais du l'inviter à prendre un café et lui demander comment elle s'appelait, parce qu'elle n'est jamais revenue.

C'était il y a presque deux ans.


Une petite poupée qui dit oui, oui tout le temps, une petite poupée trop docile qui agace car on sait qu'elle est fausse.
C'était à ça que tu ressemblais, quand je t'ai rencontrée, à une poupée sage. Et jamais je n'ai pu te raconter cette histoire qui n'en est même pas une, cette absence d'histoire, juste cette fille tellement belle. Tellement plus belle que n'importe laquelle.
C'est marrant qu'après tout ce temps c'est à toi que je pense.
Des années et des années avant d'arrêter les frais, sale petite poupée. Bien vilaine en vérité, avec tes lèvres obèses et tes yeux glauques. Et tes cernes, toujours les cernes.La dernière fois que je t'ai vue tu étais tellement maigre que j'aurais pu te casser en deux, et en vérité, ce n'était pas l'envie qui me manquait.
Tu rabâchais les mêmes histoires sur Swann, toujours, toujours tu disais qu'il était un salaud. Oui, c'était un salaud. Mais quand je le revois, portant ses costards, c'est un salaud qui a de la classe, un très beau garçon, le genre de gars dont tu sais tout de suite qu'il ne faut pas t'approcher si tu n'es pas capable de dire non. Mais toi, Poupée, tu ne disais que oui. Oui, baise-moi. Oui, encore. Oui, continue. Oui, mens-moi. Oui, M., je sais que t'as raison, je sais je le quitte. Oui, attends, je reviens, je suis désolée, Swann, désolée.
Swann, il s'en foutait. Je l'entendais chaque jour parler d'autres filles et c'est vrai que j'avais envie de le frapper. Il ne me faisait plus d'avances depuis que je le défiais, hautaine, qu'est-ce qu'il a pu m'en faire, pourtant, mais il te disait que non, alors c'était non.
Mais quelque part, je n'ai jamais réussi à lui en vouloir avec constance, j'avais des bouffées de haine et de colère, oui, j'éprouvais ce genre de choses, mais je portais une certaine gourmette à mon poignet, et c'était grâce à lui. Et puis, je t'avais avertie.
Poupée, je crois que tu n'as jamais su que tu ne connaissais même pas son vrai nom, ni même son vrai prénom. Tu ne savais même pas qu'une des chansons qu'il te chantait, c'était une des chansons de Blondy-boy.
Swann, en réalité, il était fauché, et son appart' dans le XVIè, c'était une chambre de bonne. Et son père qui voyageait à travers le monde et lui laissait de l'argent, tout l'argent qu'il voulait, c'était aussi du flan. Son père, il tenait un resto, et il sortait pas de l'Hexagone.
Tu ne connaissais rien de Swann, mais tu refusais de le connaître.

Mais Swann, c'est un débrouillard, un menteur, un arnaqueur, Swann fume des cigares en costard et des joints dans les chiottes, Swann brise les coeurs et les culs des filles, Swann a cette élégance des gens lâches, insouciants et sans remords.
Je me rappelle quand je les rejoignais pour quelques lattes de beuh, déjà vacillante sur mes talons à cause du Lexomil, et de son bras autour de mes épaules, j'étais la copine de Blondy-boy, la copine qu'on dragouille pour le fun mais qu'on ne touchera pas.

Il m'a reparlé de toi, récemment, Poupée.
J'ai presque eu envie de t'écrire un message pour te le dire, pour te dire qu'il est à Londres maintenant. Peut-être que tu aurais tout plaqué pour partir là-bas, ça aurait été drôle.


Il n'y a que moi qui t'appelait Poupée, et je me souviens, tu essayais tout le temps de me toucher. Les seins, les fesses, les hanches, tu étais jalouse de mes mecs, jalouse de mes amies, jalouse de tout. Si je n'ai pas rattrapé la brune, c'est que j'étais trop stupéfaite.
J'aurais du lui courir après, pourtant. Parce que ce jour-là, cette fille-là, j'aurais pu en tomber follement amoureuse.

Samedi 13 novembre 2010 à 12:32

http://smoking.gun.cowblog.fr/images/Photo0325-copie-3.jpg

8h du mat' et la vodka, l'aube rosit le cimetière et se reflète sur le marbre lisse de certaines tombes.
Amy dort à côté de moi, puis se lève, puis s'en va.
"Un apéritif, mademoiselle ? - Mettez-moi un martini-gin."
Je me suis trompée rien n'a été réel, je me suis trompée.
Ce soir je me fais un déguisement de marquise.
Blue Lemon et Cervelle de Singe.
Ne pas dormir, ne plus dormir, sinon je passe plus de 12 heures sous la couette et je ne peux pas chercher du travail.
Dix-sept jours.
Un rêve, juste un rêve, ça n'a jamais existé, j'ai du tout inventer, oui, j'ai imaginé.
Les boucles d'Amy et les yeux verts d'Angie, et la moquerie de Guy.
Parfois, tard dans la nuit, le lac fume, et le vent pousse la fumée à sa surface.
Ce matin j'ai les cheveux bouclés. Pourquoi ?
Il y a le livre qui traîne dans un coin, ce livre, je l'ai lu et abandonné quelque part, je ne veux plus savoir.
Une laisse, un collier. Et du fil barbelé.
Des décharges sous les doigts, et le palpitant qui foire.
Angie, j'ai menti.

Mardi 9 novembre 2010 à 17:51

http://smoking.gun.cowblog.fr/images/sidvicious.jpg
Et quand tu partiras, que restera-t-il à dire ?

Il y aura le désert de l'hiver, l'impossibilité de t'imaginer, et le monde entier continuera de tourner.
C'est dingue comme on croit tous nos histoires uniques, extraordinaires.
Trois semaines, une volée de jours.
Et des mois derrière que rien ne peut résumer, aucun mot, à part peut-être un rire fragile comme le tintement d'un grelot.
Notre possessivité dévorante. On ne se voit plus que tous les deux, dès 16-17h, dans le noir de ton appartement, et la vie qui tourne autour, qu'on entend, mais qui nous est étrangère. Toutes ces heures à lover mon corps contre le tien, et à sentir tes bras se refermer sur moi.
Notre possessivité malsaine. Ce monde dans lequel on ne peut qu'à peine se regarder, qu'à peine s'effleurer, et jamais jamais s'embrasser, ce secret qui nous a lié. On ne nous voit plus ensemble dehors.

Ton corps, si parfait. Ta peau douce, ton sourire d'enfant, ton rire un peu rauque, la moquerie au fond de tes yeux.

Tu vois, je sais qu'il n'y a pas de mots pour dire l'absence et la frustration, le désir et le manque.
Je suis restée là, sage, patiente, docile.
J'ai finalement ravalé ma fierté, et j'ai confiance en toi.

Tu t'en vas.
On a jamais été capables de dire les bonnes choses au bon moment, on a toujours navigué à l'intuition, on a évité les écueils grâce à une confiance aveugle et inconsciente, on s'est tendu des perches en forme de sous-entendus quand on se noyait, mais jamais, jamais, nous n'avons été capables de dire une phrase plus forte que : "Je me sens bien." ou "J'ai envie de dormir avec toi.", et même pour ça, il nous a fallu des mois.

Bien sûr, tu m'as fait des tonnes de compliments, mon cul, mes seins, mes hanches, ma nuque, ma bouche, mes yeux, mon humour, ma candeur, ma liberté, et même ma colère et ma mauvaise humeur, tout y est passé. Mais ce n'est pas ça que je garderai.
Je garderai ton air gêné et perplexe, quand tu m'as dit sans savoir ce que cela signifiait : "Je sens ton odeur sur moi, même quand tu n'es pas là."
Je garderai la fois où tu t'es retourné vers moi avec un demi-sourire, torse nu dans la pénombre, et tu étais tellement beau que j'en étais perdue.
Je garderai la douceur de tes caresses dans mes cheveux, et l'image de nos doigts entremêlés.
Et ton odeur.

Il nous reste trois semaines, et tu t'en vas.
Les mois passeront ensuite, tout doucement, ils passeront sans que l'on s'en rende compte, ils s'écouleront parce que le temps est indifférent, il se fout que les amants veuille le retenir entre leurs doigts pour quelques heures et l'accélérer pour quelques mois, le temps se fout de la douleur et de la séparation comme du bonheur et de la joie dévorante.

Je voudrais te mettre un collier et une laisse, mais je te laisse partir.

Au bout d'un moment, tu seras de retour.
Je ne serai peut-être plus une princesse, alors, peut-être que je ne dirai plus des choses bizarres comme : "J'en ai assez de mes cheveux, s'il te plaît, rase-moi le crâne." et toi tu seras peut-être un peu plus calme, et tu ne diras plus que tu pisses au cul du monde entier.
Ou peut-être qu'on ne sera pas si différents.

Jeudi 4 novembre 2010 à 15:01

http://smoking.gun.cowblog.fr/images/etreintesbrisees18.jpg

Je marche, pressée, il fait nuit, il est tôt pourtant.
Un homme traverse et marche derrière moi. Je l'entends parler, je me dis qu'il est au téléphone. Mais sa voix enfle et gonfle, tendue, je n'écoute pas ce qu'il dit, je continue à marcher en fumant ma clope.
"Salope, j'vais me branler sur ta gueule, tu vas voir si j'te chope, j'vais te bouffer la chatte, j'vais te défoncer le cul, tu vas chialer ta mère, j'vais te défoncer par tous les trous, tu vas me sucer la queue, tu vas voir, p'tite pute."
Mon premier réflexe est de ralentir pour ensuite me retourner et l'insulter, lui hurler dessus à m'en péter les cordes vocales, je tremble de colère et de dégoût, j'ai envie de le frapper.
J'inspire. Je réfléchis. Je suis dans une rue sombre et déserte, bordée de grands arbres, on ne voit rien sur les trottoirs, je suis seule, les maisons sont très en retrait par rapport à la rue. Il peut m'arriver n'importe quoi, personne n'en saura rien. L'autre derrière accélère et sa voix devient de plus en plus agressive et rauque.
Et soudain, je ne cherche pas plus loin : je détale.
Je l'entends courir derrière moi, il dit : "Ho, p'tite pute, t'as pas intérêt à ce que je te chope"
J'arrive sur une grande rue éclairée, des voitures sont au loin, je suis bien en vue. L'homme ricane : "T'as d'la chance, salope." et fait demi-tour en courant.

Sur le moment, je n'ai pas peur. Je suis juste étonnée et en colère.
J'arrive à l'arrêt de bus, il n'est même pas 19h.
Soudain, je prends conscience que je n'ai même pas vu cet homme. Je l'ai entr'aperçu, je peux seulement dire qu'il était petit et corpulent, 45-50 ans. Rien d'autre. Rien. Ce qui veut dire qu'aller voir les flics ne serait d'aucune utilité. Ce qui veut dire que moi, j'ai sauvé mon cul, mais qu'une autre fille aura peut-être moins de chance que moi. Et que je ne peux rien faire.

Plus tard, tard dans la nuit, quand je rentrerai à pied, je prendrai la mesure de ce à quoi j'ai échappé, et je me rappellerai de trop de choses qui elles sont vraiment arrivées. Je me pencherai entre deux bagnoles pour gerber l'alcool que mon estomac rongé ne supporte plus et ma terreur et mon dégoût. Je ne serai pas ivre pourtant, j'aurai juste l'estomac retourné.

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | Page suivante >>

Créer un podcast