Mercredi 18 juin 2008 à 11:54
Des explications tendues, ne me regarde pas mal, je ne t'avais rien demandé. Non, je ne suis pas venue t'agresser, et si ma présence t'oppresse, je m'en fous, tu me dois des raisons. Qui ne sont pas valables, et que je haïssais déjà avant même que tu ne les énonces, et mes yeux calmes et froids et vaguement violents dans le fond. Tu la sentais la colère et la déception, et pourtant tu t'étonnais de mon sang-froid, tu as probablement cru que je n'ai pas explosé parce que tu t'y prenais comme un chef, moi je sais juste que j'ai eu envie de te voir me regarder avec plus de crainte, et moins de pitié, parce que je ne suis pas à plaindre. Ce n'est rien que la vie, chéri, je savais que cela finirait, pas aussi tôt, non, mais je savais que tout a une fin. Je te l'ai dit : "Ma vie continue. Je ne passe pas mes soirées à pleurer parce que tu m'as lâchée. Je veux juste comprendre, parce que j'aime savoir ce qui m'arrive. Tu n'es pas le centre de mon monde." Oh bien sûr ça t'a vexé. Mais je suis venue pour entendre ta vérité et dire la mienne, alors tu comprendras que je n'ai pas eu beaucoup d'égards pour toi. Ce que j'ai fait je l'ai fait pour moi, et ce qui te réclame le plus en moi, c'est chaque fibre de mon corps, parce qu'il a toujours plus s'agît de cela que d'autre chose, dans le fond.
Mardi 17 juin 2008 à 13:08
Je voudrais pas crever
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grans boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égoût
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algues
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu'est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...
Boris Vian
Mardi 17 juin 2008 à 10:59
Paris la nuit, encore, Suzie marche lentement et ne sourit pas, elle lève les yeux sur le ciel lointain, sali par la ville. Promenades nocturnes étranges, elle le sait, elle traîne sa mauvaise réputation et s'en moque. Il y en a qui savent, d'autres qui auraient pu savoir, c'est ainsi, elle ne va quand même pas se déballer sans pudeur. Il faudrait peut-être aller chercher plus loin, autre chose, un air moins vicié que celui qu'elle inhale tranquillement. D'un sourire caustique elle efface cette possibilité, plonge la main dans son sac et allume posément une cigarette tandis qu'un chat s'arrête et la fixe, ramassé, tendu. Elle continue lentement son chemin, laissant traîner ses yeux partout, et savourant l'air frais de la nuit sur son visage, dans ses cheveux. Il est bientôt temps de rentrer, elle s'attarde pourtant, rallonge son trajet. Suzie voudrait errer ainsi toute la nuit dans Paris.
Dimanche 15 juin 2008 à 22:49
J'ai dormi avec N' dans un sous-sol gelé loin de chez moi, et je m'appliquais à rester sagement à côté de lui et je m'efforçais de ne pas l'effleurer, je faisais même en sorte que mon souffle ne le caresse pas, et lui en dormant m'a prise dans ses bras, il a calé ses lèvres contre ma nuque et a passé sa jambe au-dessus des miennes, comme toutes les nuits où j'ai dormi avec lui, sauf que je savais qu'il ne faisait pas exprès. Et j'ai fermé les yeux et j'ai presque arrêté de respirer pour mieux ressentir son corps si près du mien, je me disais que c'était sûrement la dernière fois que lui et moi on dormirait ainsi, je voulais me souvenir et je n'en ai pas dormi. Au matin la lumière était grise, Paris était loin, je ne suis pas allée travailler. Maintenant je n'ai plus de boulot, je n'ai que cette nuit froide au fond du ventre, un peu le concert d'hier aussi, mais son regard m'évitait, et moi j'ai besoin de la franchise de ses yeux. Juste de leur franchise.
Samedi 14 juin 2008 à 11:46
N' en moins. Plein de nouvelles possibilités, de projets, mais lui en moins. J'ai perdu la personne qui me rendait heureuse. J'aimais ma vie quand il en faisait partie. Alors que dire d'autre ?
Il n'y a rien à faire. J'étais bien. J'étais heureuse. Comme je ne l'avais jamais été. La vie possédait une intensité incroyable. Et en quelques mots, rien.
D'autres choses sont à venir. Sans lui ce ne sera pas pareil, c'est sûr, mais ce sera. Ce sera mal barré. Pour moi et pour tous les autres, il suffit de savoir où chercher, on trouve ce que l'on veut, et je peux trouver tout ce que je veux. Le temps a filé dans mes deux mains grandes ouvertes, mais je n'ai rien vu, et j'ai halluciné les jours et les nuits, ma réalité était parallèle, bien trop souvent... Je sais, je n'ai rien à me faire pardonner. Pour une fois que j'étais irréprochable, vraiment. Pour une fois que je n'avais pas d'envies de violence, de cris et de déchirures...