Il m'a fallu apprendre le temps qui passe. Il a fallu que je me vois changer et que je cesse de me reconnaître, que je cesse de me ressembler. Je me suis perdue pour retrouver d'autres fragments de moi. Il m'a fallu devenir sérieuse. Finies, mes sorties improbables où l'on passait me chercher, où je ne savais pas où j'allais, où je ne savais pas où je finirais. Où j'allais, tout simplement, sans poser de questions. Je me couchais quand les autres allaient au travail, je passais des jours en dehors de chez moi. Libre et heureuse de vivre.
Finis aussi, les matins tendres dans les bras de N'. Il est parti, je ne l'ai pas retenu. J'ai même haussé les épaules et souri. C"était sans doute fait pour être ainsi depuis le début. N'empêche que je me souviens de la chaleur et de son sourire, que je me souviens de son corps, que je me souviens de tout. Jamais je n'ai oublié si peu de choses à propos de quelqu'un. Jamais je n'oublierai, d'ailleurs, puisqu'il est le seul qui ne m'a fait que du bien.
Aujourd'hui, j'étouffe dans une vie qui ne me ressemble pas, qui n'est pas faite pour moi. J'étouffe de mentir autant sur ce que je suis, de museler ma folie, de me taire lorsqu'auparavant j'aurais hurlé. Mais le temps a passé, et il faut désormais être sérieuse, être sage, il faut penser à la suite. J'ai perdu bien trop de temps.