Mardi 28 décembre 2010 à 21:57

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A la fin de la semaine, j'aurai plus fréquenté les salles d'attente de cabinets médicaux en 15 jours qu'en deux ans.
Je pique du nez sur des chaises en plastique, sous la lueur des néons. Un bébé pleure, cris étouffés derrière une porte. Bilan sanguin, 8 tubes de sang en moins.
"Mais pourquoi faites-vous toutes ces analyses, mademoiselle ?
- J'suis fatiguée."
Je regarde les petits tubes se remplir, un par un, remplacés d'un geste sec et précis par une main indifférente et habile. Mon sang couleur rubis, sombre. Je fixe l'aiguille dans mon bras, vaguement intéressée. J'ai cette pensée étrange : "Je veux boire ce sang, après tout c'est le mien, il est joli." J'ai toujours aimé le goût du sang : depuis que je suis môme, je me mords l'intérieur des joues jusqu'à saigner, et  je lèche la blessure longtemps.
" Ca va ? Vous êtes blanche.
- Oui, oui, ça va."
Elle m'évalue du regard, hausse les épaules, tourne les talons, et mes petits tubes qui font gling-gling au rythme de ses pas, de ses pieds serrés dans des collants flétris. Je plie mon bras deux, trois fois, gênée par le coton. Je me rhabille, salue la secrétaire qui est jeune, gentille et jolie. Je croise mon reflet dans la porte vitrée : je ne suis pas blanche, mais cadavérique, j'ai de grands cernes noirs sous les yeux, l'air sombre, fermé.

Le résultat : une carence sévère en vitamine D.
Je retourne chez le toubib à la fin de la semaine, d'ici là je vais continuer à être crevée, irritable, et à avoir mal aux muscles et aux os. Je déteste les médecins, réellement, je déteste ça.

Encore 21 ans, et déjà comme une petite vieille.
Ca craint.

Jeudi 23 décembre 2010 à 1:06

Que les jours se ressemblent, comme le temps est lent.
Le bitume était mat sous la couche de neige fondante, et des flocons gouttaient de mes cheveux comme des larmes. Lorsque je me retournais, j'apercevais la ligne solitaire de mes pas qui luisait dans la lueur des lampadaires.
Le lac gelé, tout comme mon crâne.
Joyeuses fêtes, bonne année, bons mensonges, fausses résolutions, ineptes révolutions.
Je pense aux absents, à ceux qui m'ont laissée ou que j'ai laissé filer, aux mots que je n'ai pas su dire, à ceux que j'ai écrits, à ceux qui sont secrets, ceux que je tente de formuler du bout des doigts sur sa joue dans un geste bête et enfantin, innocent, et qui n'atteignent jamais leur but puisqu'au dernier moment je les détourne, transforme la caresse en jeu.
L'amant, le rêve, le double, le diable, le loup.
Que j'ai été bête de coller des possessifs à ces noms, comme si tu pouvais être à moi, quelle folie, tu es fait pour être libre, écouter du vieux blues et éclater de rire à l'autre bout du monde.

J'en pleure, joli loup.

Mardi 21 décembre 2010 à 12:37

Mon rêve : une immense chambre, un immense lit, une immense couette, plein d'oreillers et un silence infini. Que je puisse dormir, dormir, dormir, des jours et des jours, ne plus rien faire d'autre que dormir.

Je ne veux plus qu'on me parle de Noël, d'amour, de patience, d'agonie, d'amant, ni d'amis.

J'ai recommencé à me raconter des histoires qui font peur, comme quand j'étais enfant. Toute la journée j'invente des histoires de maladie de mort de tristesse de trahison de déception, de gens qui réagissent trop tard.
J'ai mangé tous les chocolats du calendrier. Je rêve de choses bizarres et au matin je crois qu'elles sont réelles, et je vérifie tout tout tout jusqu'à être certaine que ce n'était qu'un rêve. Et je suis déçue.

J'ai comme ce léger problème qui ressemble à vingt-cinq heures de sommeil en deux nuits.
Mais je reste blême voire cadavérique, avec de jolies valises sous les yeux.
C'est d'ailleurs bien simple, je ne peux pas rester éveillée plus de 9 heures. Je crois que mon cerveau fatigué tire sa révérence, mes nerfs me lâchent, à force de fonctionner sur la réserve arrive ce qui devait arriver.
Je me sens tellement endormie que j'ai même pris rendez-vous chez le médecin, alors que je déteste ça.
Je viens de me lever et je veux déjà retourner me coucher, fermer les yeux. Dormir.

Dimanche 19 décembre 2010 à 21:09

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Je suis écrasée de fatigue, écrasée, écrasée, écrasée.
Et on se fout sur la gueule, sans crier, on se fout juste sur la gueule, tranquillement et gentiment, on se fout sur la gueule tout le temps, ça fait si peur que ça de penser que ça pourrait être autrement, jeune homme ?
C'est dingue comme tu peux être un enfoiré, pourtant  t'es si gentil parfois, c'est ça que je disais ce matin devant mon café qui refroidissait, c'est ça que je disais sans te regarder, mais j'aurais du ajouter que parfois t'es plus glacial que la Sibérie, et bien plus givré aussi.
Tu reprends la route demain, et je te dis que j'enverrai des fleurs pour ton enterrement, je te dis calmement d'aller crever.
Qui est le plus connard de nous deux, à la longue ?
Quand j'aurai ton âge, parfois je me dis que je serai comme toi, paumée autant que t'es paumé, parce qu'à force de te perdre dans tout le monde tu ne sais plus qui tu es, et face à moi tu fuis.
Je suis rentrée avec seulement mes collants pour me tenir chaud, je glissais sur le verglas et m'enfonçais dans la neige jusqu'aux chevilles, j'avais froid et j'étais trempée, Angie dormait. Je me souviens quand le train est enfin parti, je l'ai maudit, car sans moyen de rentrer chez moi, j'aurais pu rester chez toi.
J'ai bien pensé à descendre de ce foutu train, à t'appeler, à mentir, et puis à revenir, peut-être même que tu aurais voulu que je fasse ça, mais avec cette fierté, moi je peux pas. Je mets le nez dans mon écharpe, je serre les lèvres, et j'espère n'importe quoi, n'importe quoi qui m'empêchera de partir.
Mais rien ne m'en empêche.
Et oui, comme tu dis, je resterai coincée dans ma banlieue pourrie, oui, je n'aurai pas d'horizons, oui je serai trop bizarre pour m'entourer, oui je serai trop gentille et je me ferai avoir, oui, t'as raison, mais je me fous que tu aies raison ou tort, je me fous de tes raisons.
Je me fous de ces sales paroles qui souillent ta bouche.
T'as beau dire, râler, tempêter, gémir, on se voit toujours. Et je sais que tu t'inquiètes.

"Ca va aller ?
- Oui, t'inquiètes.
- Reste dormir encore si tu veux.
- Non, parce que si je continue comme ça, je vais dormir toute la journée et toute la nuit chez toi et je partirai que demain et je veux pas.
- Va chez le médecin, t'as l'air crevée. C'est pas normal.
- T'en fais pas, j'ai dit.
- Ca me rend triste.
- Non, sois pas triste. T'es pas fait pour être triste, t'es fait pour rire et sourire toujours."

Et si tu savais comme tu m'énerves. Si tu savais.

Jeudi 16 décembre 2010 à 18:29

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Dans quelques jours, j'aurais la joie de faire la connaissance de certains cousin(e)s, petit(e)s cousin(e)s, grande-tante, et autres subtilités généalogiques du même type. "Le réveillon !", pensez-vous en chœur.
"Que nenni, braves gens ! Un enterrement." vous réponds-je en souriant de mon sourire le plus jaune.

Ce n'est pas que je sois très attachée à ma grand-mère, ni encore le fait de me retrouver sans grand-parents à 21 ans qui me fait de la peine, non. Ce qui me fait de la peine, c'est ma maman, ma toute petite maman qui m'arrive au menton et qui va se retrouver orpheline. Voyez-vous, dans ma famille, la mode est aux maladies et aux longues agonies. Alors je vois ma mère tourner en rond, dans l'attente de ce coup de fil qu'elle redoute et qu'elle espère à la fois, et elle s'en veut d'espérer ce soulagement, elle culpabilise, mais elle a tellement raison d'espérer cet appel, c'est ça que j'essaye de lui dire, que c'est normal, que c'est trop triste qu'elle ait une maman qui ne reconnaît plus ses enfants et qui se fait mourir, qui ne veut plus vivre, mais je sais que c'est facile à dire, alors j'essaye d'être douce.
Je ne vais pas me faire meilleure que je ne suis, au début, ça ne m'a rien fait comme annonce. "Ta grand-mère est mourante." Oh, soit. Après les deux grands-pères, les deux tantes, la grand-mère paternelle, on sait que la grand-mère maternelle va suivre. Un peu blasée par les décès, pas proche de la mourante. Ni chaud, ni froid. J'ai pris ma petite maman dans mes bras, elle sanglotait dans mon écharpe puisque j'allais sortir pour fumer, je l'ai entraînée doucement dans la cuisine, tout doucement, je l'ai assise, je lui ai préparé un thé bien chaud et une tartine de confiture. Je suis allée chercher mon frère, et je suis sortie fumer.
Lâche, je l'admets.
Et là, dehors, sous la pluie, je me suis dit que c'était incroyable d'être aussi indifférente vis-à-vis de la mourante. Alors je me suis obligée de toutes mes forces à me dire : "Et si c'était ma maman qui mourrait ?"
J'ai jeté ma cigarette, je suis rentrée, j'ai enlevé manteau et écharpe, et je suis allée m'asseoir dans la cuisine avec mes frères et ma mère.
J'essayais de trouver son sourire entre ses larmes. Il était tout perdu, fragile et chiffonné.
Plus tard, je me suis glissée sous la douche. Là, oui, j'ai pleuré, un peu. A cause du visage de ma mère.
Parce que je sais qu'on sera tous, et pour toute notre vie, les petits garçons ou les petites filles de nos mamans, et que toujours, toujours, nous serons leurs enfants. Quoiqu'on puisse se hurler à l'adolescence. Je sais que sans nos mamans, nous ne sommes que des enfants abandonnés, qu'on ait 13 ans (mon amant, je te salue), 20, 30, 40, 50 ou 60 ans, jusqu'à notre mort, nous sommes issus de ces corps aimants.
Au nom de la peine que peut ressentir ma mère, oui, j'ai pleuré.

Elle ressemble à une petite fille.

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